Un bol de riz, pour changer

Le prix du changement est là : c'est comme manger un bol de riz blanc. Chaque grain de riz que vous avaler renforce votre nouvelle habitude. :)

Cet article constitue ma participation à cette rencontre amicale, “À la croisée des blogs” qui est un événement inter-blog dédié au développement personnel. Il est publié mensuellement et chaque nouvelle édition traite d’un thème original. Ce mois-ci c’est docG, du blog En pleine conscience, qui en est l’organisateur et qui nous a proposé de plancher sur Est-il possible de vraiment changer ?

Imaginez cette situation : vous êtes en plein milieu de votre repas, seul ou en famille et soudain je fais irruption dans votre cuisine ou dans votre salle à manger. Sans tambours ni trompettes, je vous annonce alors la bonne nouvelle en vous lançant un défi, à savoir qu’à partir d’aujourd’hui vous ne pourrez plus manger de pain pour le déjeuner et pour le dîner. La miche croustillante habituelle sera dorénavant remplacée par du riz. Et pas du basmati parfumé ! Non, du riz blanc de base comme on en trouve partout ici, en Extrême-Orient. Vous laissant pantois, la fourchette encore en bouche, je repars comme je suis revenu, en coup de vent, laissant derrière moi un gros sac de riz, soit vos besoins pour un mois.

Oublions un instant l’irréalité de cette situation. Pourriez-vous tenir le coup ?

Un grain de riz

Impossible, allez-vous me dire ? Le sacrifice est trop grand ? C’est vrai, nos habitudes culinaires sont profondément ancrées en nous, le pain faisant partie de notre culture, pas le riz. Si l’on part en vacances à l’étranger, on peut apprécier la nourriture exotique pendant quelques jours mais changer complètement ? Et puis, pour en revenir au riz, cela dépendrait aussi des conditions dans lesquelles est appliqué ce défi. Si le pain est toujours librement accessible chez le boulanger, le sac de riz risque de moisir dans un coin de l’appartement.

C’est un petit peu ce qui s’est passé aux États-Unis à l’époque de la prohibition entre 1920 et 1933. L’interdiction de la production et de la vente d’alcool n’avait pas stoppé la consommation de whisky. Vouloir changer une habitude c’est bien, mais enlever les tentations, c’est mieux.

Alors procédons autrement. Continuons dans le fantastique, à la “Harry Potter”. Et si on faisait disparaître d’un coup de baguette magique toutes le boulangeries ? Là oui, ça fonctionnerait beaucoup mieux et à la longue vous risqueriez de devenir un grand amateur de riz. Peut-être même que vous finiriez par adopter les baguettes pour manger, parce que c’est bien plus efficace qu’une fourchette. Donc théoriquement, tout le monde peut changer une habitude.

Mais tout ça, après tout, n’est que spéculation. Vous demander de vous mettre à manger du riz là, maintenant, serait comme ordonner à tous les automobilistes français de se mettre dès aujourd’hui à rouler à gauche, comme en Angleterre.

Deux grains de riz

Farfelu, ce changement de style de conduite ? Pas tant que ça, puisque cette situation s’est déjà produite, et pas loin de chez nous, en Europe. 🙂

Le 3 septembre 1967, c’est exactement ce qui s’est passé en Suède. Aussi incroyable que cela puisse paraître, tous les Suédois, à 5h00 ce matin-là, ont dû traverser la chaussée et commencer à rouler de l’autre côté. Dans leur cas, ils avaient décidé de passer de la conduite à gauche vers celle à droite, s’harmonisant ainsi avec le reste de l’Europe. Ont-ils réussi ce drastique changement ?

Tout à fait. Il n’y eut aucune fatalité à déplorer pendant le premier jour de conduite à droite. On nota même, dans les mois qui suivirent, une baisse des accidents de la route, ceci étant dû à la grande prudence des automobilistes qui n’étaient pas habitués à cette nouvelle manière de conduire. Bien sûr, dans les mois qui avaient précédé ce changement brutal, une grande campagne de sensibilisation, appelée Dagen H (Jour H) avait été organisée par le gouvernement.

Mais à mon avis, l’élément le plus intéressant, c’est que la population avait toujours été farouchement opposée à ce changement. Par exemple, un référendum organisé quelques années plus tôt avait rejeté à 85%, l’idée même du Dagen H ! Si l’état suédois avait écouté ses administrés, nos amis nordiques rouleraient encore à gauche, avec tous les problèmes que cela poserait dès qu’ils franchiraient une frontière.

Un bol de riz

On pourrait me dire que l’exemple cité ci-dessus était un peu facile. Les Suédois sont connus comme des gens plutôt sérieux qui obéissent et respectent la loi, même s’ils sont contre. Alors pourquoi ne pas prendre un peuple plus rebelle ? Un peuple qui chérit sa liberté, qui aime râler et qui n’hésite pas à se révolter, comme en 1789 ? 😉

Eh oui, nous les Français, fiers de notre indépendance, de notre franc-parler, pouvons aussi changer en bloc. D’un coup. Si, si. Le 1er janvier 2008 est entré en vigueur la fameuse loi sur l’interdiction totale de fumer dans tous les lieux publics. Avons-nous assisté à une nouvelle prise de la Bastille ? Pas vraiment. Dans l’ensemble la nouvelle loi a été assez bien respectée.

D’accord, des voix pourraient alors s’élever pour me signaler que tout le monde n’est pas fumeur, que cela ne concernait qu’une partie de la population et donc que face à l’approbation tacite de la majorité, le changement était facile. Bon, alors prenons une autre habitude qui a été modifiée pour chaque Français et même, pour chaque Européen.

Le 1er janvier 2002, 300 millions de personnes vivant en Europe basculèrent vers l’euro, abandonnant ainsi leur monnaie nationale. En France, à peine 51% des Français avaient approuvé le traité de Maastricht, celui qui entérinait, entre autres, le passage à l’euro. Pourtant, là encore tout se passa bien et personne aujourd’hui ne peut dire qu’il ressent des angoisses lorsqu’il doit payer avec des euros.

Un sac de riz

Faire des changements n’est pas si difficile. En fait, plus le groupe est grand et plus les conditions sont strictes et plus cela se passe facilement. Même si la majorité n’est pas d’accord. Alors pourquoi ce qui semble si facile à une échelle nationale, voire internationale, est si difficile au niveau personnel ?

A mon avis, cela commence par une trop grande confiance en nos capacités. Nous nous reposons excessivement sur notre volonté, notre confiance en nous, alors que nous devrions plutôt nous imposer des lois “drastiques” lorsque nous voulons vraiment changer une habitude chez nous.

La deuxième chose est le fait de tenter un changement seul ou seule. C’est beaucoup plus difficile qu’avec d’autres. L’effet de groupe joue beaucoup. On est comme tous dans le même bain. On râle un peu mais finalement la pilule passe mieux et on se soutient mutuellement. La solidarité joue beaucoup au sein d’un groupe. Demandez au sportifs ce qui est le plus important dans leur équipe. Chaque talent individuel ou un groupe uni dans l’effort ? C’est pour cela, que dans le courant de l’année je vais recréer, avec vous, cette expérience de groupe où l’on verra que c’est beaucoup plus facile de changer une habitude au sein d’une communauté.

Et alors, cette histoire de sac de riz à l’entrée de chez vous ? Cela aussi a été accompli de façon réelle. Non, pas à une échelle nationale mais bien plus simplement à mon modeste niveau. 🙂

Oui moi, grand amateur de pain, je mange maintenant du riz à chaque repas. Avais-je le choix ? Non, pas vraiment car il n’y a pas de boulangeries à chaque coin de rue au Japon et ce fut donc un changement assez abrupt. Faisais-je partie d’un groupe ? Oui, j’étais soutenu par ma compagne qui cuisinait des plats bien d’ici, combinaisons que je trouve aujourd’hui délicieuses. Moi-même, à présent, je cuisine très peu “français”, c’est pour vous dire. Ainsi, il y a toujours un sac de riz dans notre cuisine…

Et, je vous rassure, Harry Potter n’a rien à voir là-dedans.

(Photo : visualpanic)

Commentaires

19 commentaires pour “Un bol de riz, pour changer”
  1. Nathalie says:

    Je crois que ça va être trop difficile pour moi, j’ai déjà beaucoup réduit le pain blanc et me suis habituée aux pains campagne, seigle, complet et bien d’autres encore plus délicieux et croutillants et savoureux!!! miam! “désolée! mais je suis cruelle avec toi!! ça t’as donné envie??” toutefois j’aime bien de temps en temps le riz. C’est vrai qu’à plusieur on arrive plus facilement à changer une habitude. Ce n’est qu’occasionnellement qu’on déguste une bonne baguette de chez Geisler! Grrr! désolée 😉 :). Buona giornata Jean-Philippe 😉 et merci pour cet article qui m’a bcp apporté encore une fois de plus.

  2. Jean-Philippe says:

    Ah Nathalie ! Tu es cruelle avec moi. 😉 On trouve quelques boulangeries “à la française” ici, mais elles sont loin et le pain est assez cher. En fait, maintenant, c’est Takako qui est plus accro au pain, viennoiseries et pâtisseries que moi. Le monde à l’envers. 🙂

  3. Lyse says:

    Bonjour Jean-Philippe

    tu poses la question: “pourquoi le changement parait plus difficile au niveau personnel qu’au niveau national?”
    Il me semble qu’une des réponses est dans la question!
    Parce que si je change au niveau personnel dans le groupe, je m’isole du groupe. 😉
    A partir de là, je suis dans l’obligation de réintégrer un autre groupe, plus conforme à ma nouvelle identité.
    Si je deviens végétarienne, alcoolique abstinente, ou même si tout bêtement je fais un régime amaigrissant, je deviendrai au sein des groupes auxquels j’appartiens (familial, social, amical), quelqu’un de différent d’eux…
    La pression s’opérant sera vivable (quoique) mais difficile.
    je serai donc amenée à me rapprocher de personnes qui me comprendront mieux, desquelles je me sentirai plus proche.

    Si j’élargis mon champs de vision, je me pose la question, n’est ce pas un peu comme ça que nait le communautarisme?

    D’un point de vue systémique, aucun changement, aussi petit soit-il n’est anodin!
    C’est peut-être une des raisons pour lesquelles il y a des décisions si difficiles à prendre!

    bonne journée à tous! 🙂

  4. Jean-Philippe says:

    Bravo, tu expliques bien les choses Lyse ! Et j’ajouterai que, lorsque l’on veut changer une habitude et qu’on doive changer de groupe se pose le problème de la rupture. C’est difficile de s’éloigner ou de quitter sa communauté actuelle (relations, amis, famille) bien qu’on sache que ce soit pour notre bien. Alors parfois, on renonce et on garde des habitudes nocives ou dont on ne veut plus, préférant le confort du groupe. D’où l’importance de se trouver, comme tu le dis si bien, une nouvelle communauté. 🙂

  5. alteriche says:

    @Jean-Philippe:
    Bravo pour ton article: je me suis régalé (et sans riz, ni pain!).
    J’attends avec impatience ton “expérimentation” de travail en groupe 😉

    @Lyse:
    Je partage ton avis sur la pression sociale du groupe.
    Parfois, ça va dans le sens du bien communautaire (comme pour l’euro même si ça n’a pas été sans mal), mais parfois on y trouve en tant qu’individu plus d’inconvénients que d’avantages (je ne fume plus depuis bien avant l’arrêté mais je ne vais pas plus dans les bars aujourd’hui, en revanche, je subis en tant que citadin les nuisances sonores des fumeurs sur les trottoirs…).

    Je me pose surtout la question du courage décisionnel. Quand par exemple les gouvernants vont-ils prendre de vraies mesures contre la malbouffe en général (et donc agir pour le bien du groupe)???
    Dans l’intervalle, comment puis-je en tant qu’individu (seul) résoudre ce qui ME pose problème…!? Comment justement VRAIMENT changer en dépit de la pression du groupe afin de ne plus m’empoisonner de malbouffe (c’est un exemple parmi d’autres)?

    Là réside tout le challenge et comme l’a dit Jean-Philippe: la volonté farouche ne suffit pas (pas toujours)… 🙁

  6. Jean-Philippe says:

    Merci alteriche ! Ça se prépare tout doucement. 😉 En ce moment, je me les dernières touches à l’ebook pour bien dormir et se lever très tôt le matin. Comme toi ? 🙂

  7. Rémy says:

    C’est surement possible, mais je ne veux surtout pas changer cette habitude là, le pain, c’est trop bon ! ^^

  8. Jean-Philippe says:

    @Rémy Si tout le monde commence à insister comme ça sur le bon pain bien doré et bien croustillant… je vais finir par vaciller moi ! 😉

  9. alteriche says:

    @Jean-Philippe:
    Oui, oui, se lever tôt… comme moi… lol
    A nouveau cette histoire d’environnement social: hier, j’ai terminé ma soirée à minuit, le temps de rentrer, mail, toilette…etc -> au lit à 1h30.
    Or n’ayant pas d’obligations professionnelles, je préfère me caler sur un rythme constant de 7h: je privilégie sommeil et donc ma forme à l’organisation de ma journée (quasiment toutes mes matinées sont flinguées entre sommeil, sport et internet…).

  10. Jean-Philippe says:

    @alteriche Merci pour les précisions et c’est original comme façon de faire ! 😉

  11. Joëlle says:

    Par des chemins détournés je fais une petite halte par ici et je ne suis pas déçue. A la question posée je dirai oui !… et je suis tout à fait objective au vu de mes origines (rires !).

    ps : très réussie la photo du bol de riz soit dit en passant 🙂

  12. Jean-Philippe says:

    Merci Joëlle ! Je comprends ton objectivité. 😉 Rien ne vaut un bon riz collant !

    Pour la photo, je n’en suis pas l’auteur. Il est cité à la fin de l’article et si tu cliques sur son nom (visualpanic), tu verras d’autres clichés qu’il a pris.

  13. Boréale says:

    J’aime bien cette idée qu’on se fait souvent trop confiance à soi-même quand on entreprend un changement. Confiance en sa volonté… oui, c’est vrai ! C’est bien vu ! 🙂

    Et pour le riz… ça donne plutôt envie d’essayer ! 🙂 En plus il y a 3 mois j’ai eu un choc culinaire en découvrant la cuisine thaï (oui je sais, je ne cours pas les restos…) et depuis… je cuisine de plus en plus thaï ! 🙂
    (un thaï sans doute très édulcoré, mais c’est un début !)
    Pourquoi ne pas prendre du riz thaï d’ailleurs ? C’est la même chose que choisir une bonne baguette plutôt qu’une baguette blanche !! :-))

  14. alteriche says:

    J’ai beau être fan de riz collant et de cuisine thaïe, je suis aussi un inconditionnel du pain.

    Le débat je pense n’est pas d’entamer un changement “contre nature”: pour Jean-Philippe, le problème est local puisque l’accès même au pain lui fait défaut. Mais en France, le problème n’est pas là. Donc entamer un changement de la sorte me paraît placer une difficulté là où il n’en a pas, non?

  15. Boréale says:

    @alteriche :
    Dans mon esprit il ne s’agit pas de se créer des difficultés pour le plaisir, mais d’essayer des choses nouvelles par curiosité, et pour remuer un peu les bonnes vieilles habitudes qui s’assoupissent…. Je suis sûre que le pain a un goût différent après un mois de riz…. 🙂

  16. Jean-Philippe says:

    @Boréale C’est une bonne idée ! Peut-être un peu difficile à accomplir en France mais si ça résonne bien avec toi… c’est une excellente expérience. Et je confirme, après, le bon pain est encore meilleur. 🙂

    @alteriche Merci pour ton commentaire ! On trouve quand même du pain et même du très bon à Tokyo mais il faut chercher un peu plus. Pourtant, il y a beaucoup de “boulangeries” tenues par des Japonais. Ceci dit, tu vas y trouver du pain tout mou, pas croustillant bien que frais. C’est la préférence nippone. 😉

  17. Arwen says:

    Franchement, Je crois que Je pourrais tres bien m’y faire..de toute façon,on s’habitue a tout…

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