L’arrosoir divin

Par le 26 February 2011
dans Changer les règles

Bénissons les perles de pluie

La pluie tombe.

Le ciel est couvert et je suis chez moi, un peu triste en me disant que j’aimerai bien que le soleil revienne. Dehors, il n’y a personne, il fait froid, il y a un peu de vent et les quelques personnes qui bravent le mauvais temps le font parce qu’elles n’ont pas le choix.

J’aimerais bien que cette pluie s’arrête. Parce que, dans une heure, moi aussi je devrai quitter la maison pour aller à un rendez-vous et vraiment, je n’ai pas envie d’affronter les éléments.

C’est alors que je me demande, pourquoi la pluie est-elle synonyme de tristesse, de désagrément ?

Le grand arrosage

C’est vrai ça, vous rencontrez rarement des personnes qui vous disent : “Demain, c’est grosse pluie toute la journée. Ça va être génial !” On ne sort jamais avec anticipation, les parapluies et les cirés comme on le fait avec les lunettes de soleil et la crème solaire.

Jamais ?

Rappelez-vous. C’était il n’y a pas si longtemps pourtant. Nous étions un peu plus jeunes mais la perspective d’enfiler des bottes et d’aller sauter à pieds joints dans les flaques d’eau nous paraissait comme une activité extrêmement passionnante et à pratiquer avec sérieux. On ne se posait même pas la question de savoir si cela rendait triste quand il pleuvait. C’était juste le temps de ce jour où nous allions simplement pouvoir varier nos jeux.

Vous rappelez-vous ?

Le grand Arroseur

Alors imaginons une seconde une société où les jours de pluie seraient bénis.

Pourquoi pas après tout ? Imaginons une seconde que, par un quelconque hasard, un prophète ou un gourou ait décrété, il y a très longtemps, que les jours de pluies seraient des jours de chance, les plus favorables pour signer un contrat, pour se marier, pour prendre des décisions risquées, pour résoudre les conflits et les disputes.

La pluie serait sacrée. Ce serait la vie.

“Oui,” aurait alors lancé ce prophète, “en vérité je vous le dis, l’eau c’est la grâce. Sans elle nous ne pourrions vivre ici bas. Alors, recevez chaque jour de pluie comme un jour où la bénédiction du grand Tout est sur nous. L’eau pure et immaculée que nous accueillons du ciel est purificatrice et salvatrice. Elle nettoie tous les torts. Célébrons-la !”

Aurions-nous maintenant une réaction différente face à une averse ? Sachant que le fait de s’humecter les lèvres de cette eau limpide serait signe de chance ? Sachant que le fait d’en recueillir un peu et de la conserver dans un flacon de cristal pourrait attirer des miracles à son heureux possesseur ? Ainsi, le moindre crachin jetterait dans la rue des milliers de fidèles, offrant leur visage à la caresse de la bénédiction divine.

“Tu es mouillé ? Quelle chance !” serait l’expression de circonstance et ainsi, des siècles de traditions humides nous feraient voir la bruine d’un autre œil. Pas comme un ennuyeux contretemps qui se glisse dans votre cou lorsque vous marchez d’un pas rapide vers un rendez-vous difficile mais comme l’amie qui vous confirme que les dieux sont avec vous. 🙂

Pourtant, dans “notre” société, c’est tout le contraire qui se produit. Un exemple ? Tout bon film qui se respecte se doit d’avoir sa scène d’enterrement sous la pluie.

La pluie est synonyme de mélancolie et c’est pour cela que je me retrouve aujourd’hui derrière ma fenêtre, un peu morose, à espérer une accalmie qui je sais ne viendra pas car, comme tout le monde, j’ai déjà consulté la météo.

Les joyeux arrosés

Notez cependant que les enfants ne sont pas les seuls à aimer la pluie.

Il y a aussi les amoureux. Pour eux, une averse soudaine aurait plutôt tendance à les rendre encore plus heureux. Alors qu’ils courent dans la rue, blottis l’un contre l’autre, têtes baissées, les mains en dérisoires protections au-dessus de leur tête.

Mais eux, on le sait, ils sont comme des enfants, ils ne veulent pas vraiment se protéger de la pluie. Ils croient au prophète aquatique, au grand Arroseur, à la chance fluide et à l’attrait des cheveux humides, plaqués au visage. Quoi de plus attirant que d’embrasser des lèvres ourlées de pluie ou une peau satinée de gouttes scintillantes ?

Bon, mais moi je suis toujours seul derrière ma fenêtre en train d’espérer un miracle qui, je le sais, ne viendra pas. J’aurais dû me convertir. J’aurais dû me baptiser.

Baptiser ?…

Mais je n’ai besoin de personne pour me baptiser. Je peux me baptiser tout seul. Je peux décider à cet instant que la pluie n’est pas ce qu’elle parait être pour la majorité des gens. Je peux choisir ma relation avec elle. 🙂

Je peux me dire que la pluie est primordiale sur notre terre. Je peux reprendre un vieux proverbe Touareg que j’utilise dans une de mes histoires, Les 9 étoiles du désert :

Aman, iman. L’eau, c’est la vie.

Je devrais être content qu’il pleuve, je devrais me réjouir, apprécier ses bienfaits et même si parfois, elle est trop fraiche ou trop forte, il faut la prendre comme une amie qui en fait un peu trop pour notre bien.

Oui, une amie qui parfois se fait attendre mais qui aujourd’hui est au rendez-vous, juste derrière la fenêtre, prête à m’accueillir.

J’enfile mon imperméable, j’ouvre mon parapluie et je sors, mettant un point d’honneur à planter un pied dans une flaque, comme pour rendre hommage à cette amie fidèle. Oh, c’est une toute petite flaque, une de celles que les enfants dédaignent, cependant pour moi, elle est le symbole de mon état d’esprit qui de triste, est maintenant joyeux.

Pourtant, il pleut toujours, mais je vois la pluie d’un autre œil, d’un œil que j’ai choisi. Je me suis baptisé. Et je me rebaptiserais bien en tapant du pied dans une flaque un peu plus grande…

Mais, on me regarde, on se demande qu’est-ce que je suis en train faire là dans la rue, au lieu de courir m’abriter.

Moi, j’ai une autre idée. J’offre ma main au ciel et la laisse recueillir quelques gouttes de vie.

Mes doigts sont humides. J’ai envie de les goutter et je ne peux résister à ce plaisir. Je passe cette main sur le bout de mes lèvres, souriant à la chance qui va m’accompagner.

Si le dieu aquatique le veut bien. 🙂

(Il a intérêt d’ailleurs parce qu’en mars je vous proposerai mon nouvel ebook, Reconquérir sa vie, un guide pour les scanneurs et tous ceux qui veulent comprendre où ils vont dans la vie. Pour en recevoir un extrait en avant-première, inscrivez-vous à ma newsletter, en haut et à droite de cette page. Bon, j’espère qu’il y aura de bonnes grosses averses le jour de sa sortie.)

Patience !

(Photo : ViaMoi)

Commentaires

29 commentaires pour “L’arrosoir divin”
  1. Joel says:

    On regarde toujours d’un oeil terne ce que l’on possède en abondance.

    A mes douze ans, nous avons voyagé en Ecosse en famille. J’ai entendu des français parler de leur séjour à d’autres français dans leur accent* bien français “C’est comme en Belgique. Il pleut… Il pleut pas… Il pleut… Il pleut pas”

    Le belge est bien un pessimiste et le français le suit. Il suffit que deux gouttes de pluies tombent du ciel après 15 jours de canicule pour l’entendre dire “on a à peine du beau temps quelques jours et il recommence à pleuvoir”.

    D’ailleurs, les statistiques ne mentent pas: 80 jours dintempéries par an en moyenne sur tout le territoire belgique. Et pourtant, tous les belges vous diront “Il y a deux saisons en Belgique: la saison des pluies et la mousson”.

    Mon grand père n’était pas dupe. Lorsqu’il est venu en Belgique, il a dit “chez vous, on ne voit pas la terre”. Sous-entendu, la terre est toujours recouverte d’herbes. Il connaissait la valeur de l’eau et l’eau apporte la vie partout où elle est présente.

    *C’est les français qui ont un accent. Il suffit d’entendre la manière dont ils disent septante et nonante pour s’en convaincre. ;p

  2. Jean-Philippe says:

    Merci Joel ! Ce qu’il y a de bien avec toi, c’est que tu as toujours une bonne anecdote personnelle à nous raconter. Tu as une sacrée mémoire parce que moi, je n’ai pas tant de souvenirs qui reviennent comme ça, en lisant. 😉

  3. Joel says:

    J’ai déjà entendu des dizaines de fois “comment tu peux te souvenir de ça?”. En fait, chaque élément qui a marqué ma vie est ressassé un maximum jusqu’à ce que je puisse puiser dans ma mémoire comme dans une boîte à bijoux. Régulièrement, j’essaie de me souvenir de ce que je faisais quand j’avais 8 ans, 5 ans, 14 ans,…

    Le pire c’est que si on m’envoi à la cuisine pour chercher le sel par exemple: je prends un verre d’eau, je range la vaisselle et je reviens avec le beurre tout en laissant le sel à la cuisine.

    PS: il parait que mes métaphores sont terribles mais je n’arrive pas à en sortir sur commande.

  4. Jean-Philippe says:

    Ah, non, non, c’est une belle image ! Maintenant, je comprends bien comment tu fais pour te rappeler de tout cela. Néanmoins, tous ces souvenirs doivent être bien utiles dans ton plan de vie, dans ta “révoperso”, pour avancer. 😉

  5. Bertrand says:

    Outre le caractère symbolique, j’ai remarqué que la pluie est toujours plus impressionnante vue de l’intérieur que lorsque l’on est dessous. Comme une colline a gravir, il suffit de faire le premier pas pour se rendre compte que lorsqu’on y est, finalement c’est pas si terrible….Le tout est de sortir de son confort douillet.

  6. Jean-Philippe says:

    Exact Bertrand et merci pour ton commentaire ! L’image de la colline à gravir est excellente, ce n’est que le premier pas qui coute, et ce, dans de nombreux domaines. 😉

  7. AMie says:

    I’m singing in the rain. I’m singing in the rain. I’m…
    Bon, d’accord, elle était facile à faire, celle-là. 😉
    Déprimerait-on les jours de pluie parce que justement on est empêché, on s’empêche, de mettre le ciré et les bottes pour taper dans les flaques ? 😉

  8. Jean-Philippe says:

    😀 …je n’avais pas osé la faire dans ce texte. Merci AMie de te porter volontaire !! Et je te rejoins tout à fait dans ta conclusion. Essaie et tu verras… tape dans les flaques d’eaux avec tes bottes et tu verras comme c’est amusant, même en étant adulte. 😉

    (Je trouve que c’est encore plus plaisant en tant qu’adulte pour les réactions des gens qui passent autour de toi. De ceux qui sourient et comprennent en t’enviant un peu parce qu’ils ont des chaussures de ville, à ceux qui te fusillent du regard parce que tu ne te comportes pas en “adulte”.)

  9. virginie says:

    Bonjour Jean-Philippe,
    et merci pour ce billet! Car comme je le dis toujours dès que la pluie me tombe dessus : il faut de l’eau pour les belles plantes! Et j’espère que mes enfants auront le même état d’esprit.
    Mais bon c’est un peu facile pour moi, étant d’origine bretonne!
    En plus j’ai un énorme parapluie multicolore que j’adore sortir dans la grisaille ambiante même si je dois slalomer sur les trottoirs et affronter les regards de ceux que cela dérange.
    Bonne soirée.

  10. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup Virginie pour ton témoignage ! Ah, le coup du parapluie multicolore, tout de suite, ça donne un coup de fouet ! Tes enfants auront le même état d’esprit s’ils comprennent bien l’importance de la pluie. D’ailleurs, je crois que c’est un peu intuitif chez eux. 😉

  11. Louis says:

    Très bon texte.

    Je suis arrivé à une conclusion plus ou moins similaire un jour sur mon vélo sous la plus battante : ce n’était essentiellement désagréable que parce que je pensais que c’était le cas. Après quelques minutes de trajet supplémentaire j’ai commençais à apprécier d’y être.

    Depuis ce jour, qui remonte à quelques années, me faire coincer sous une trombe d’eau n’est plus un problème et je regarde toujours un peu nostalgiquement par la fenêtre lorsque la pluie tombe au-dehors en me disant “le terre en profite”.

  12. Jean-Philippe says:

    Merci pour les compliments Louis ! Tu as raison, à partir du moment où on se rappelle de l’importance de la pluie pour la vie sur Terre, on change d’état d’esprit. Et puis, de toute façon, ça ne dure jamais assez longtemps. 🙂

  13. Christine says:

    J’adore la pluie, pour moi, il n’y a rien de triste qu’un ciel bleu uniforme pendant des semaines ; un été dans le sud, cela nous est arrivé pendant seulement 2 semaines, lorsque l’orage est arrivé(on le guettait), nous sommes sortis avec mon mari pour accueillir la pluie avec bonheur. Un ciel de pluie avec toutes ces nuances de gris souvent changeant, c’est tellement beau. Je précise que je suis bretonne.

  14. Jean-Philippe says:

    Merci Christine pour cette jolie tranche de vie! C’est amusant mais au fil des commentaires, je découvre de plus en plus de gens qui aiment la pluie, et pas que des Bretons ! Qui l’aurait cru ? 😉

  15. Claire M. says:

    J’ai lu cet article avant-hier et je reviens pour commenter.

    Autant je n’aimais pas la pluie à Paris (j’ai pourtant une prédilection pour les orages, imprévisibles et impressionnants), autant sous les tropiques, je l’apprécie.

    Je vis dans une maison dont le toit est en tôle et entendre les gouttes de pluie sur les feuilles de tôle est un pur plaisir. Dans ces moments, j’ai toujours la même chanson d’amour en tête et cela m’arrache immanquablement un sourire.

    Petite anecdocte : hier je suis allée à la plage avec un ami.
    En version courte, la pluie est arrivée, chassant tous les candidats au bronzage. Seul, un couple a résisté. Ils étaient en maillot de bain, blottis sous un parapluie, à l’abri d’un arbre.
    Pendant ce temps, je savourais mon repas. Je précise que c’est difficile de recevoir des gouttes de pluie froides tout en dégustant un repas. Enfin, j’ai résisté.
    Puis, je suis allée me baigner sous la pluie. C’est un de mes autres plaisirs ici. Le temps de dire “ouf”, le couple était parti. 🙂

  16. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup Claire pour cette belle anecdote ! J’ai moi-même vécu pas mal d’années en Guyane et je ne compte plus le nombre de fois où je me suis retrouvé trempé après une averse soudaine pendant la saison des pluies. La pluie est chaude et lourde et pourtant, peu de temps après, on est de nouveau sec. 😉

  17. Bricolente says:

    Tiens, avant de lire les commentaires, je pensais déjà à la pluie de mon enfance, à Madagascar. Quoi de plus merveilleux que ces énormes gouttes qui tombent avec fracas après des jours oppressant de chaleur intenable ? L’odeur de terre mouillée, la fraîcheur sur la peau, la danse des ruisselets partout autour de nous, que de souvenirs engrangés par moi-enfant et amoureusement conservés par l’adulte.
    Revenue en France, j’ai été frustrée par le crachin mais c’est une autre histoire.
    Tiens, une anecdote : c’était en été, dans une piscine dans un camping. La pluie commence à tomber et vite, les nageurs se précipitent pour sortir en disant “viiite, il pleut !”. Et mon ami : “et alors, vous allez être mouillés ?”
    Nous avons savouré notre baignade sous la pluie, tranquilles.

    Allez, bientôt les giboulées, je vais me noter quelques passages que j’ai trouvés marquants dans ton article et je vais me préparer à célébrer.

  18. Jean-Philippe says:

    Tu as une belle plume Bricolente ! Tu m’as bien fait rêver là… en fait tu m’as ramené à mes souvenirs de Guyane dont je parlais juste au-dessus. Merci pour ça. 🙂

  19. Alexis says:

    Tout à fait bricolente, les meilleurs moments lorsqu’il pleut sont lorsque l’on est déjà à l’eau 😉

    Bel article qui tombe à point nommé! je me suis posé la question en voyant un documentaire sur les civilisations amérindiennes qui vénéraient la pluie plus qu’autre chose (accessoirement par des sacrifices :s)

    D’ailleurs cela m’avait donné une idée d’article, décidément c’est un signe, encore plus s’il pleut demain!

  20. Jean-Philippe says:

    Merci pour ton commentaire Alexis ! Les signes ils sont partout en fait… est-ce que ce sont vraiment des signes ? Peu importe, à partir du moment où tu sens la chose, à partir du moment où tu as le bon feeling, à partir du moment où cela te démange, n’hésite pas et fonce. 😉

  21. Alexis says:

    Oui, les signes on décide de les voir où on veut finalement!
    Ce qui m’amuse, en fait c’est plutôt toutes ces petites coïncidences qui apparaissent et t’indique les opportunités, et toujours sans que tu le veuilles!

    En anglais, le terme est “serenpidity” ou le fait de trouver ce que l’on cherche en cherchant autre chose!

  22. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup Alexis pour ton commentaire ! Je crois que la sérendipité est une jolie notion poétique qui permet d’expliquer bien des choses… à posteriori. 😉

  23. Axel says:

    Bon thème et bon article ;).

    Personnellement je n’aime pas quand il pleut car j’ai le sentiment d’être dans une rupture sociale avec les autres personnes de ce monde. En gros c’est un peu comme si chacun était dans sa petite bulle à attendre le retour du soleil permettant ainsi le retour d’interactions sociales.

  24. Marie christine says:

    C’Est touz eau alors. 🙂
    O un Bon oeil pour la source.
    Le pouvoir des lettres
    Mercipour ce texte que signifie le texte enjaponais stp a cote de ta photo ? Merci Bon week end.
    Marie christine

  25. Marie christine says:

    Celui qui se trouvé dans la photo ……Je vois comme une echarpe Blanche Avec des characteres en japonais . .. Je crois …Merci sayonara 🙂

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