La femme sans peur (22)
Par Jean-Philippe le 20 October 2012
dans Des histoires
Cet article est la suite de la saga de Trinity Silverman, commencée ici.
Trinity voit le visage de Nick Burr pâlir avant qu’il ne se mette à courir pour échapper à la jeune femme.
Mais voilà, celle-ci est en tenue légère et pratique la course à pied.
Nick Burr lui, est en costume serré et ne connait les marques de sport que par les pubs vues à la télé.
N’empêche, le trader star retrouve une deuxième jeunesse en prenant ses jambes à son cou, poursuivi par une lionne aux instincts de tueuse.
Ils retraversent à toute vitesse le casino, les caméras de surveillance s’intéressant soudain à ces deux fusées qui se faufilent entre les machines à sous.
Pourtant, lorsqu’elle arrive à la grande entrée, Trinity s’arrête et regarde autour d’elle, à peine essoufflée.
Sa proie a disparu.
Elle hausse les épaules et, sans insister, quitte le Caesar Palace.
Se frayant un passage parmi tous les touristes, elle reprend le chemin du Four Seasons tout en éclatant de rire, toute seule.
Qu’est-ce que je lui aurais fait si je l’avais rattrapé ? se dit-elle. Je lui aurais tiré les oreilles ? Donné une fessée ? Fait avaler sa cravate jaune triste ? Je suis vraiment bizarre parfois, continue-t-elle en pouffant encore et encore.
Dans l’ascenseur qui la ramène à sa chambre, elle secoue la tête. Je me comporte comme une gamine, moi ! conclut-elle.
Et c’est ce qu’a dû penser Gianmarco.
Son sourire se fige.
Son visage s’assombrit et, tête baissée, elle rentre dans sa chambre pour se noyer dans son travail, histoire d’oublier. Elle ne s’interrompt que pour commander un plateau repas. Quelques minutes plus tard, quelqu’un frappe à la porte en indiquant d’une voix discrète, “Room service”.
La tête encore dans ses dossiers, Trinity se lève distraitement. Lorsqu’elle ouvre, la surprise se lit sur son visage.
C’est le barman.
“Oui, je sais,” dit-il en entrant, “ça vous fait drôle de me voir ici mais ils sont débordés en bas et je leur donne un coup de main avant de commencer mon service.”
“C’est vrai que votre visage me rappelle des choses… bien plus tardives,” dit-elle en rougissant, gênée.
Il ne relève pas et continue.
“Promis, ça c’est bien un jus de fruits frais. Je ne vous ai pas monté un Bolli-Stoli. Si vous en voulez un, il faudra venir le chercher au bar,” dit-il, souriant, en déposant le plateau sur la table.
Ce qui fait encore plus rougir Trinity.
Il repart en regardant autour de lui, admiratif.
“Dites donc, elle est jolie votre suite !”
“Ce n’est pas moi qui paie. Mon entreprise a les moyens.”
“Et s’ils vous offrent un cadre pareil, c’est que vous devez être quelqu’un d’important,” conclut-il en sortant.
“Vous êtes bien trop généreux dans votre jugement.”
“Bonne soirée mademoiselle.”
“Bon courage à vous, en bas.”
La porte refermée, Trinity retourne à la table pour manger et continuer à travailler. Elle avale le contenu de son assiette, une salade composée, l’œil rivé sur les derniers cours des devises. Elle finit son jus de fruit frais, mangue-pêche-banane, avant de repousser le plateau et de se replonger dans ses calculs et se modélisations mathématiques.
Elle continue tard et va se coucher, épuisée, après une douche bien chaude.
C’est rare mais Speedy lui, a été oublié.
Il y a belle lurette qu’il a fini sa dernière lamelle de champignon et pendant la nuit, il se met à avoir faim. Et quand il faim, il est d’humeur maussade. A-t-on idée d’obliger les gens à aller chercher leur repas en pleine nuit ?
Le petit Euxina Circumdata est devenu un escargot de luxe et bon, même s’il affectionne les promenades nocturnes, aller “chasser” son prochain repas ne l’enchante guère, lui qui est habitué à avoir des tranches de champignons fins directement livrées à la maison.
Toutes antennes sorties, il passe le rebord de sa boite en plexiglas et s’élance sur la grande plaine morne qui maintenant l’ennuie. Il la connait par cœur et il sait que tout au long de cette sombre étendue, il n’y a rien à se mettre sous la radula.
Radula, c’est le nom de la langue des escargots et elle comporte environ 2000 petites aspérités en forme de dents, râpeuse à souhait comme la meilleure râpe du menuisier.
Sur sa droite, il y a bien ces fines tranches de cellulose blanc mais les ayant déjà goûtées, il les trouve réellement sans goût et plutôt acide.
Alors qu’il arrive au bout du bureau, ses antennes captent soudain une phéromone inconnue. Aussitôt il se fige, et tente d’analyser cette molécule étrangère. Il y a de l’angoisse dedans, de la sueur et autre chose qu’il n’arrive pas à identifier.
Ces phéromones désagréables commencent à le bombarder. Il a compris, elle se dirigent vers sa plaine. Vite, il rétracte ses antennes polluées par ces odeurs et aussi “rapide” que l’éclair, il se glisse avec agilité sur le bord du bureau avant de passer dessous, et de s’arrêter, tête en bas.
Au-dessus, il entend des bruits étouffés, des mouvements qui l’inquiète vraiment, puis les phéromones agressives s’éloignent.
Lentement, Speedy risque une antenne depuis le dessous du bureau. Un peu comme un périscope horizontal.
Elles sont toujours présentes mais un peu plus loin.
Courageusement, le petit escargot remonte sur le dessus du bureau. Il hume la plaine. Ces phéromones malpropres ont été déposées partout !
Speedy a oublié sa faim. Il n’a qu’une envie, rentrer à la maison le plus vite possible mais avant, il va falloir traverser toute cette étendue maintenant polluée. Il rentre un peu les antennes et, se blottissant le plus possible dans sa coquille, il se glisse rapidement, sur la pointe de son pied, entre les éclats de phéromones agressives et acides.
Tout en avançant silencieusement entre les zones sinistrées, Speedy jette une antenne en arrière. Oui l’orage phéromonien se poursuit là-bas, au loin, mais pour lui, le plus important c’est d’atteindre son havre de paix.
Il note au passage que les champs de cellulose blanche ont été déplacés mais pas mâchonnés. Speedy se demande bien pourquoi. Ce n’est pas la meilleure nourriture du monde. Qui aurait envie de les manger ?
Après un temps extrêmement rapide en termes gastéropodiens, Le jeune escargot atteint sa boite et se glisse dedans. Soulagé, il rentre ses antennes et se rétracte dans sa coquille, le pied scellé à la paroi. Il pense s’endormir rapidement, le ventre vide mais en paix lorsqu’il sent, à nouveau, que quelque chose ne va pas.
Quelque chose de chaud est sous son pied. Il sent des molécules de chaleur qui le traversent de part en part. Il connait ça. C’est comme lorsqu’il lambine sous un bon soleil d’été, sauf que là, c’est la nuit.
Il a un soleil artificiel qui est braqué sur lui !
Il va pour sortir prudemment ses antennes lorsque soudain il sent que quelque chose le pousse. Il essaie de s’accrocher avec son pied contre la paroi mais la force est trop forte. Il doit lâcher prise et se sent tomber. Par réflexe, il se blottit complètement au plus profond de chez lui, alors qu’il roule de plus en plus vite dans la boite.
Soudain, il frappe violemment l’une des parois, sa coquille se fissurant d’un coup.
Et Speedy perd connaissance.
(A suivre)
(Photo : NASA)
Bonsoir Jean-Philippe,
Alors là, ça ne va pas du tout… Je ne sais pas qui s’est introduit dans la chambre de Trinity, mais s’en prendre à Speedy, c’est un manque de savoir-vivre manifeste. J’espère que le coupable ne s’en tirera pas comme ça 🙂
Et sinon, pour la couverture, je propose une épaule de femme avec un escargot dessus (sur le mode Jiminy Cricket).
Florence
Ah là là, depuis que Speedy se fait un peu malmener, il y a une sorte de levée de boucliers de la part de son fan club… mais ma réponse est que tous les héros passent par des phases difficiles. 😉
PS : Merci Florence pour ton cri du coeur. Je te garantis que tu n’es pas la seule à réagir comme ça. Il ne manquerait plus que la SPA s’y mette maintenant. 😀
PPS : J’ai bien noté ta proposition de couverture !
Vilain Nick Burr, vilain Nick Burr !
Si tu fais du mal à Speedy, que le grand escargot t’encorne !
Oups ! Je crains un spoiler tout à coup… Et si j’avais raison ?
Vite, je rentre dans ma coquille. :o)
l’Amibe_R Nard
Ah c’est amusant! moi aussi je pesais à Nick Burr! Aurait-il pris Speedy en otage? Mais dans quel but?
Quel suspense insoutenalble !
J’en profite pour me faire un peu de pub ! J’ai commencé aujourd’hui une rubrique à épisodes parlant de notre parcours dans l’auto-édition. Si ça vous tente, n’hisitez pas à aller y jeter un oeil.
Speedy en otage ? Il va finir par faire la une de l’actualité !
J’ai rajouté un lien direct vers ton premier article sur l’auto-édition. Vu le succès que tu as rencontré, cela va grandement intéresser les lecteurs. 😉
Et puis, pour ceux ou celles qui veulent aller plus loin, le challenge Cloudbraining de novembre sera consacré à justement “Ecriture et promotion de son ebook sur le kindle”. 😀
Merci pour le lien! 🙂
C’est avec plaisir ! C’est important d’informer tous les futurs auteurs sur “comment” y arriver. 😉
Merci L’Amibe !… Bon, il va falloir que je change ma trame… ou pas ? 😉
Pourquoi veux-tu changer ta trame ?
On ne sait pas bien ce que fait le voleur, ni qui il est réellement… même si, après l’incident de la course-poursuite, on a quelques suspicions. 😉
l’Amibe_R Nard
Je faisais juste une “boutade” ! En fait, pour l’instant, je me frotte les mains parce que personne n’a aucune idée de se qui se passe réellement dans la vie de Trinity et de Speedy. 😉
PS : Pour dire ça, je me base uniquement par rapport aux commentaires et aux mails privés que j’ai reçus concernant cette saga. Cela n’empêche pas d’autres d’avoir peut-être déjà compris où je veux en venir… 😀
Tu revisites l’histoire de la princesse et de la grenouille ?
😉
Bien vu Didier ! Je ne l’avais pas remarqué moi-même. 🙂
Mais comme des archétypes de héros/héroïnes, il n’y en a pas énormément…
Après m’être enfilé d’un trait les 22 premiers épisodes, le soleil hivernal s’est couché, et je n’ai toujours pas la clé de l’énigme.
En tout cas, cela sent le roussis dans cette suite. Pauvre Speedy, notre héros qui essuye ces blessures de guerre ! Quelle injustice de s’attaquer à plus petit et plus lent que soit !
Qu’est ce qui se trame ? Serait-ce les phéromones de cet abjecte Nick ?
Trop facile peut-être !
ou le mari de Christina ?
Vite du Rescuy Remedy pour Speedy ; à moins que sa “maîtresse” ne lui fasse prendre ses pilulles miracles…..
Je donne ma langue à l’escargot…
“Je donne ma langue à l’escargot…”
*Rires* Elle est excellente celle-là ! Mais la réponse apparaitra claire à la fin de l’histoire. Merci pour ton commentaire Christine. 😉