La désillusion, c’est pour les autres

Commencer en douceur, comme un lever de soleil dans la brume d'un matin calme

Vous aviez travaillé dur pour ça.

Vos yeux étaient plein de rêves. Vous vous imaginiez déjà un peu le “King of the world”.

C’est certain, même si tout n’était pas parfait, vous alliez casser la baraque, recevoir les ovations, multiplier les ventes. Les critiques seraient dithyrambiques, le regard de vos pairs serait admiratif, le monde – votre monde – allait enfin vous connaître pour qui vous étiez vraiment.

Et puis, la réalité s’est réinstallée. Cette bonne vieille réalité qu’on n’aime pas trop car là, il n’y a pas de rêve, pas d’espoir, pas de “…et si ?”.

Ça fait mal.

Ainsi on doute. De soi. Des autres. On leur en veut même, un peu.

Et pourtant, sans s’en rendre compte, on vient de remporter sa première victoire.

Une vraie. 🙂

Planter une graine

Ne me dites pas que ce genre de feeling ne vous est jamais arrivé. Sauf si vous êtes un robot, à un moment ou à un autre de votre vie, vous avez produit, créé, façonné quelque chose et vous n’avez pas eu le retour que vous espériez.

Et c’est bien là le problème. On espère. On a des visions sur ce que sera le futur. Et évidemment, ce futur est fait d’une myriade de possibilités impliquant votre talent (dont je ne doute point), les conditions dans lesquelles vous travaillez, l’humeur des autres, le temps qu’il fait, l’actualité du jour, etc.

Le scénario que l’on imagine dans sa tête est toujours le meilleur possible. On se le répète tellement qu’il en devient presque palpable et, lorsque la réalité n’y correspond pas, on est très déçu. En plus, la plupart du temps, on a travaillé très dur pour y arriver à ce moment, alors c’est normal, la déception s’installe. On a même envie d’abandonner. Et la majorité des gens jettent l’éponge.

Mais pas vous.

Arroser

Vous vous rappelez du rebond ?

C’est notre arme secrète la plus puissante et qui est, en fait, très facile à utiliser.

Si, je vous assure. Il suffit de s’y remettre. Il suffit de reprendre la plume. Le marteau. Le dossier. Le code. Le téléphone. L’instrument. Le volant. Le micro. Le rythme. Le budget. Le pinceau. La parole. La console. La caméra. La route.

Alors pourquoi vous ne le faites pas ? C’est le mot “suffit” qui vous dérange ? C’est vrai que c’est une drôle d’habitude dans le monde du développement personnel que de donner facilement des conseils aux autres. Ça en devient même dangereux.

Alors peut-être qu’il ne “suffit” pas. Oui, peut-être que c’est trop dur. Trop contraignant. Douloureux. On a suffisamment été blessé comme ça. On préfère abandonner. Allez, on jette l’éponge, plus rien à faire de rien. C’est pas mieux comme ça ?

Évidemment, un grand vide va s’installer. Il n’y aura plus ces étincelles créatives, cette excitation de pouvoir amener quelque chose de nouveau au monde. Mais on va s’arranger. Entre facebook et la télé, on devrait pouvoir noyer notre déception, notre désarroi, notre tristesse.

Et oublier qu’un jour, il y a longtemps, notre petit ego s’est fâché parce qu’il n’a pas reçu les ovations espérées.

Immédiatement.

Oublier que l’on n’a pas réussi au premier essai comme dans notre imaginaire hollywoodien.

Patienter

Finalement, la question à se poser c’est celle-ci : qui commande dans votre cerveau ?

Votre ego ou vous-même ?

Si c’est votre ego, vous irez de déception en déception, même quand vous croirez réussir, car il est insatiable.

Par contre, si c’est votre “vrai” vous qui dirige les affaires, rappelez-vous pourquoi vous avez commencé tout ça. Si vous cherchez bien, vous découvrirez que cela n’avait rien à voir avec l’argent, les honneurs ou la gloire. Ces éléments sont périphériques. Ils peuvent être agréable mais ils ne constituent pas la véritable raison pour laquelle vous vous êtes échiné pendant des semaines ou des mois.

Non, si vous avez été honnête avec vous-même, vous l’avez fait tout simplement parce que vous pensiez vraiment pouvoir apporter quelque chose aux autres. Vous pensiez réellement pouvoir les aider.

Et finalement, ne l’avez-vous pas fait quand même ? Votre scénario hollywoodien a capoté mais dans tout ça, dans tout ce qui tourne autour de votre projet, n’y a-t-il pas quelque chose qui a été utile à quelqu’un ?

Vous ne savez pas. Vous ne saurez jamais exactement combien de personnes vous aurez touché par votre labeur, performance ou savoir-faire.

Vous voyez, ici, on est loin de l’argent. On est loin du succès. On touche au cœur de qui nous sommes, au cœur de notre humanité. Et si on reste là, une sensation de bien-être s’installe. C’est cette sensation que nous recherchons tous et toutes. La gloire elle, vient après, si elle vient.

S’émerveiller

Vous avez fait ce premier pas. Vous avez aidé les autres, sans doute sans le savoir. Ce n’est qu’un tout petit pas, juste un pas. Si tout le monde atteignait son objectif à la première tentative notre existence serait bien ennuyeuse, non ?

Et si vous faites ce deuxième pas si utile à des personnes que vous ne connaissez même pas, vous pourrez comparer le chemin – le vrai – parcouru depuis votre première tentative.

Une fleur ne pousse pas d’un coup. Elle n’apparait pas comme ça en une fois. Elle commence son existence de fleur bien longtemps avant, dans la graine, au cœur du germe qu’on ne voit pas. Il lui faudra longtemps pour devenir cette plante magnifique, aux couleurs éblouissantes que nous admirerons sans nous rendre compte de tout le travail qui aura été accompli en amont, dans l’ombre.

La nature sait ce qu’elle fait, elle a bien plus d’expérience que nous et nous devrions prendre exemple sur elle – en prendre de la graine ? – en commençant modestement, discrètement, tranquillement notre voyage sans trop prêter attention aux succès relatifs.

Alors maintenant oui, je peux le redire.

Il suffit de… 😉

(Photo : Stuck in Customs)

Commentaires

7 commentaires pour “La désillusion, c’est pour les autres”
  1. david says:

    Chaque jeudi de ses dernières semaines, j’ai la sensation étrange d’être accompagné le matin par un ange gardien, d’être compris. La justesse de tes propos me trouble. C’est un vrai talent de mettre des mots sur nos emotions. Heureusement je passe rapidement a autre chose, je risqierai de réussir mes projets 😉

  2. AMie says:

    En toute honnêteté, quand je décide de faire quelque chose, ce n’est pas pour les autres, c’est avant tout parce que j’y trouve un plaisir profond et c’est ce plaisir profond que les autres vont avoir envie -ou pas- de partager avec moi.
    Je continue donc quoiqu’il arrive.
    Enfin, en théorie, parce que, hein ? Bon… 😉
    Bref, il suffit de prendre plaisir à ce qu’on fait, le reste n’est qu’illusion. 😉

  3. nana fafo says:

    cqfd : pour ma part je ne sais pas combien de temps ça prendra, ni quel chemin ça empruntera, ni sous quelle forme ça arrivera, mais c’est qui est sur c’est que je vais tout mettre en oeuvre pour que ce qui me tient à coeur arrive. Malgré les obstacles, peu importe le nombre de tentatives, l’important c’est d’essayer (quand on essaie on agit et on vit). Je n’avais pas perçu le côté ego qui nous fait nous illusionner, je vais m’occuper de son cas à celui-là !

  4. Jean-Philippe says:

    @david Merci beaucoup pour tes compliments ! …et aussi pour ton humour qui m’a bien fait sourire. 😀

    @AMie Ta remarque est très juste et j’aurai dû être plus clair. Si je prends mon exemple, c’est vrai que les histoires que j’écris, je le fais pour aider les autres, pour apporter ma pierre à notre société. Mais je sais que si je n’aime pas moi-même ces histoires, cela ne fonctionnera pas avec les lecteurs, elles n’auront pas de succès. Donc l’un et l’autre sont indispensables. Ceci dit, la deuxième condition n’implique pas nécessairement la première. 🙂

    @nana fofo Merci pour ton commentaire ! L’ego n’est pas bon mais la fierté d’une tâche accomplie est importante, c’est là qu’est toute la différence, à mon sens. 😉

  5. Julien says:

    Très bel article !

  6. Bonjour
    Un peu comme David j’ai l’impression que cet article me parle particulièrement. Je crois que nous avons tous soif de reconnaissance, or ce sentiment est peu présent (ou simplement peu exprimé?) dans notre vie courante.
    Pourtant, comme il est fort cet élan qui nous vient lorsqu’on se sent utile, lorsqu’on a entendu un “merci” sincère… De quoi soulever des montagnes!

  7. Lola says:

    J’adore. Merci beaucoup. je me retrouve dans la situation que vous décrivez. J’ai terminé l’écriture de mon premier roman en mars 2011. Je l’ai envoyé à plusieurs éditeurs et les lettres de refus n’ont pas tardé à s’amonceller dans ma boite à lettres. ça été une grande période de remise en cause qui a duré 4 mois jusqu’à ce qu’une petite maison d’édition accepte de publier mon roman à compte participatif. J’étais contente de cette première victoire mais j’avoue que les refus et les critiques que j’avais reçus auparavant m’ont fait perdre confiance en moi. J’essaie d’écrire un second roman et là je bloque complètement. Je reconnais avoir été déconnectée de la réalité en rêvant de gloire et de reconnaissance. J’essaie de faire la part des choses car après tout mon but premier lorsque j’ai décidé d’écrire ce roman, était pour que je sois lue, que j’apporte quelque chose et non de devenir riche.

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