Comment nous décidons ?

D'ici j'arrive à voir si c'est une margharita... et vous ?

Lorsque nous devons prendre une décision, souvent, il y a deux choses qui se produisent en nous. D’abord, il y a le désir bien normal de faire le meilleur choix, donc de prendre le temps de soupeser le pour et le contre. Cela nous donne une certaine confiance, une certaine logique, un certain recul.

Et puis, en même temps, il y a une autre donnée qui se glisse. Une donnée plus difficilement contrôlable : nos émotions. Les deux se livrent une sorte de faux duel acharné dans notre cerveau mais nous savons qui finit par gagner et qui finit par rationaliser cette décision.

En fait, tout se résume à une part de pizza.

Pizzaïolo

Il faut se rendre  l’évidence : prendre une décision est quelque chose qui est lié à nos émotions. On a beau raisonner, analyser, estimer, rationaliser, à un moment c’est l’émotionnel qui entre en jeu et ensuite le rationnel qui nous donne de bonnes raisons pour ce choix.

Comment je le sais ? Quand j’ai envie de quelque chose, je n’ai aucun problème à dire oui très rapidement, même si c’est coûteux ou même si cela va me demander de grands efforts. Et je peux ensuite logiquement en déduire de bonnes raisons. Je suis certain que vous pouvez trouver des exemples identiques dans votre vie.

Et je ne parle pas seulement de petites décisions. Il faut quand même, reconnaissons-le, un certain courage pour se lancer dans un grand emprunt, sur 20 ou 30 ans, pour acheter un terrain et construire une maison. Le but est noble : avoir un lieu à soi où élever sa famille – et manger des pizzas – en toute sécurité. Mais justement, c’est là que l’émotionnel parle. Pour endurer les coûts du crédit, il faut bien croire en quelque chose.

Nous sommes ainsi tous et toutes des pizzaïolos qui lançons notre pâte dans les airs. La logique veut que nous la percions lorsqu’elle retombe sur nos doigts mais notre croyance en notre dextérité fait que nous évitons le désastre.

Neuro-pizzeria

Un professeur de neurologie d’origine portugaise, António Damásio, a fait une recherche très intéressante sur un groupe de patients spéciaux. Ils avaient tous subis le même traumatisme au niveau du cerveau, ce qui ne leur permettait plus de ressentir leurs émotions. Autrement, ils étaient tout à fait normaux et pouvaient agir comme vous et moi.

Le professeur Damásio s’est alors rendu compte que leur faculté à prendre des décisions était sérieusement diminuée. Ils pouvaient logiquement expliquer ce qu’ils devaient faire mais dans la pratique il leur était très difficile de décider où vivre, que faire, ou même, quoi manger.

Pour nous qui avons un cerveau “complet”, nos hésitations viennent souvent du fait que nous devons prendre des décisions qui ne nous plaisent pas, mais qui sont aussi finalement décidées par d’autres émotions, plus négatives.

Vous aimez les anchois, mais il ne reste plus que des champignons – que vous n’aimez pas vraiment – au choix sur le menu. L’impatience du serveur et de vos voisins de table vous poussera à prendre ces champignons et à ensuite rationaliser cette décision. “C’est bon pour la santé” ou “j’avais envie de changer” conviendront parfaitement.

Orgasme pizzien

La décision finale s’effectue donc entre nos émotions. Qu’elles soient positives “oui, je veux faire ce voyage en Australie”, ou négatives “Ah bon ? Je dois limiter ma vitesse sur autoroute ?”, elles régulent notre vie.

Un exemple récent et tout simple fait figure de bel exemple. C’est celui d’Antoine, qui sur son blog, nous a raconté son orgasme papillaire avec l’histoire de ce quart de pizza qu’il a longuement hésité à goûter. La logique, pragmatique et analytique demandait qu’il n’y touchât point. On ne mange pas dans l’assiette des autres. Surtout les restes d’un plateau “room-service” dans un grand hôtel. D’un autre côté, les émotions – l’odeur, l’aspect, la faim – pesaient dans la balance. Le résultat ?

Une émotion forte et inoubliable pour Antoine qui a su tirer une bonne leçon sur ses décisions en matière culinaire et pizziennes.

Et pour nous ? Le fait de comprendre que nos décisions sont ainsi toujours à double-tranchant et que même avec les meilleures intentions du monde, on peut toujours se tromper.

Alors, puisque les émotions commandent, commandons. 🙂

Une pizza hédoniste

Chaque fois que nous avons à prendre une décision, pensons à une pizza. Comment la voyons-nous ? La pâte fine et croustillante, garnie de tomates fraiches, parsemée de fines herbes et d’olives, cuite au feu de bois ? Ou alors, c’est un truc que l’on sort du congélateur, dont on arrache l’emballage plastique et qu’on jette dans le micro-ondes avant de mâcher, ce mélange caoutchouteux en pensant à autre chose ?

Cela ne veut pas dire non plus qu’il faille systématiquement choisir l’originale, la “faite-maison”, celle qui s’avère délicieuse sur le moment mais contient des olives avariées qui vont vous tenir au lit pendant trois jours pour un empoisonnement alimentaire.

Néanmoins, cela veut bien dire que toute décision, aussi mûrement réfléchie que possible, ne peut garantir le succès. Demandez aux traders  (grands mangeurs de pizzas).

Au vu de toute cette science pizzienne que j’étale devant vous, vous vous demandez peut-être comment je prends mes propres décisions ? Comme toute bonne part de pizza se doit d’être mangée rapidement, en général, je prends mes décisions très vite. Et j’assume du mieux que je peux les conséquences.

Si je ne décide pas rapidement, là je sais que je vais faire trainer les choses en longueur, et plus je traine et plus la part de pizza dans le frigo va ressembler à de la pâte à modeler.

J’aurai de moins en moins envie d’y toucher.

La seule chose qui me fera alors bouger c’est la mauvaise odeur dégagée par ledit morceau de pizza, ou si vous préférez, les conséquences liées aux décisions non-prises.

Alors, margherita ou napolitana ?

Nhésitez pas trop longtemps, ça n’en vaut pas la peine. 😉

(Photo : “highlimitzz”)

Commentaires

12 commentaires pour “Comment nous décidons ?”
  1. SeBoun says:

    C’est plutôt surprenant de voir que les décisions, aussi rationnelles qu’elles soit, soient guidées par les émotions.

    Au moins, on sera mieux choisir. Ceci dit, j’imagine que les décisions de type “professionnelles” restent l’apanage de la logique et de la réflexion.

  2. Jean-Philippe says:

    Merci SeBoun pour votre commentaire ! Je crois que même les décisions dites professionnelles, font appel aux émotions. Pensez juste aux guerres, ne sont-elles pas supposées être pensées et réfléchies ? Or comme on le sait, elles sont guidées par les émotions.
    Et puis pour prendre un exemple plus récent, la crise des subprimes en est une belle illustration. 😉

  3. Antoine says:

    Tout d’abord je tiens à dire que tu m’as donné faim là: “La pâte fine et croustillante, garnie de tomates fraiches, parsemée de fines herbes et d’olives, cuite au feu de bois ?”

    Je suis d’accord avec toi, il vaut mieux subir les conséquences (s’il y en a) des décisions que l’on a prises plutôt que les conséquences de celles que l’on a pas prises (Cela peut engendrer du regret, entre autre).

    @SeBoun Je pense que même pour les décisions de type professionnelles , les émotions jouent un rôle (peut être moins important, et/ou plus inconscient).

    Enfin, merci beaucoup à toi Jean-Philippe! Quelle surprise j’ai eu ce matin en voyant un rétrolien sur mon article, ça m’a fait très plaisir, c’est un très bon début de journée =)

  4. Jean-Philippe says:

    Merci Antoine ! Et toi, attention aux pizzas ! 🙂

  5. Fait C*** est-ce que tu sais que certaines personnes doivent faire 250km pour pouvoir se faire une pizza digne de celles que tu décris ci-dessus ? lol
    Comme d’habitude, un billet bien léché et qu’on est ravi de déguster 🙂
    Je sais que je vais encore exprimer une opinion qui ne trouve pas beaucoup d’écho sur les blogs mais pour moi, je le répète, prendre les décisions rapidement, m’a toujours amené a prendre les PIRES décisions possibles.
    Il me faut un minimum de plusieurs heures pour pouvoir poser une action dont j’aurais pesé les conséquences.
    Il y a une raison toute bête a cela, je n’ai pas encore appris a diviser les émotions de la prise de décision. Le seul moyen que j’ai trouvé jusqu’à présent pour contrer cette tendance, c’est de temporiser. Plusieurs heures au minimum, plusieurs jours parfois. Passé 3 ou 4 jours, je sais que j’essaie de faire passer le temps pour…faire passer le temps et la je sais que je dois prendre une décision. Mais une mauvaise décision que j’aurais prise 3 jours plus tard ne sera jamais aussi mauvaise qu’une décision que j’aurai prise dans la foulée.
    Alors oui je sais ca fait calculateur dit comme ca, mais calculer n’est pas manipuler (pas forcement, pas toujours). J’ai besoin de savoir a 8 chances sur 10, quelles sont les réactions que mes actions vont provoquer.

  6. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup Mohamed de partager ton histoire personnelle. En fait quand je disais rapidement, j’aurai dû être plus précis. “Rapidement” cela peut aller de quelques heures à quelques jours. Et comme tu l’expliques, on sent toujours le moment où l’on commence à tergiverser, à reculer l’instant du choix. 🙂

    Ça m’a fait penser à un petit dialogue, entre un agent immobilier et un éventuel acheteur :

    – Monsieur, ce magnifique château du XVIIème a été construit par le célèbre…
    – J’achète.
    – Ah ?… bien, mais vous êtes sûr ? Vous ne voulez pas visiter au moins ?
    – J’achète.
    – Euh, je vois que monsieur est pressé. Très bien, tant que vous y êtes, il y a aussi à vendre un parc attenant de 500 hectares qui…
    – J’achète.
    – Ah bon ?… il y a aussi un moulin et une petite rivière…
    – J’achète.
    – Et un haras.
    -J’achète.
    – Et une piscine…
    – J’achète.
    – …olympique.
    – J’achète !
    – …
    – J’achète !
    – Vous achetez tout ?
    – Oui j’achète tout… vous y compris !
    – Mais, je ne suis pas à vendre !
    – Votre nom ?
    – Avernus
    – J’achète !
    – Non monsieur, je ne suis pas à vendre !
    – Vous êtes déjà vendu.
    – Non !
    – Mais je peux vous revendre…
    – Mais… à qui ?
    – à vous-même !
    – Quoi ? Mais je ne veux pas m’acheter !
    – Votre prix sera le mien.
    – Non mais, je suis hors de prix moi, monsieur !
    – Rachetez-vous. Allez, je vous offre un crédit.
    – Vous plaisantez ?
    – Un crédit sur vous-même.
    – Mais, je… je n’ai pas les moyens.
    – Je vous aiderai. Allons, rachetez-vous…
    – …
    – Offrez-vous une nouvelle conduite…
    – Pour aller où ?
    – Vers une renaissance, une nouvelle vie !
    – Ah ?
    – Oui.
    – …c’est combien ?
    – Quoi ?
    – Moi.
    – Ça n’a pas de prix, vous l’avez dit. Le crédit est sur votre vie vraiment vécue. Allez-y !
    – Merci…
    – De rien.
    – …
    – Quoi encore ?
    – Et le château, le parc, etc… ?
    – Je les garde. Vous allez maintenant construire vos joyaux au lieu de vendre ceux des autres.
    – D’accord, je crois que j’ai compris.
    – Bon vent, monsieur Avernus.

  7. MDR j’ai absolument rien compris mais je me suis bien marrer MDR
    Une petite explication Jean Philippe stp ?

  8. je vais revenir à des choses plus terre à terre mais c’est comme quand j’écris une page de vente. Une fois les arguments rationnels couchés sur papier, je fais une réécriture intégrale du texte pour ajouter au maximum la composante émotionnelle. Car tout bon marketeur sait que ce sont les émotions qui dictent la décision d’achat et non la logique.
    ps : me fait envie ta photo de pizza !

  9. Jean-Philippe says:

    @Mohamed Ah non, à toi d’y voir ce que tu penses être juste. 😉

    @Boris C’est tout à fait vrai ce que tu dis, un conseil de base que tout bon marketeur devrait suivre. 🙂

  10. remy66 says:

    Moi, le fait d’attendre, ça peut m’aider à perdre les qq kilos de trop …

    Par ailleurs, Il y a le livre de Klein “Sources of Power: How People Make Decisions” (en anglais uniquement) que je trouve très intéressant sur la prise de décision. Klein a étudié pendant 15 ans la façon dont certaines professions (pompiers, joueurs d’échecs haut niveau, pilote de chasse …) prennent des décisions. La particularité : objectifs mal définis, pression très forte, conditions changeantes, peu d’information disponible.
    Il montre que ces personnes n’analysent pas rationnellement les choix un par un mais qu’ils choisissent la première solution “acceptable” qui se présente et qui réponde au besoin. Comme il faut aller vite et que l’on peut toujours se tromper, …
    Pour en savoir plus : http://amzn.to/dBb944

  11. Yoann Romano says:

    Hey,

    Sympa le ton de cet article.

    Ca me rappelle les femmes qui savent pertinemment qu’un homme va les faire souffrir, mais qui sortent tout de même avec, parce que l’émotionnel prend beaucoup plus le pas sur le rationnel que chez nous autres mâles 🙂

    Yoann

  12. Jean-Philippe says:

    @remy66 Merci beaucoup pour les références de ce livre que je ne connaissais pas. Alors comme ça tu es le pompier de la vie ? 😉

    @Yoann Oui tu as raison. C’est comme les enfants maltraités par leur mère. Ils reviendront toujours vers elle.

    Tout cela me fait dire qu’il est important de développer notre intelligence émotionnelle, facteur de réussite – prouvé par de nombreuses études scientifiques – dans la vie. 😉

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