La rivière du doute

Par le 16 November 2009
dans Vous êtes bloqués?

La Chapada dos Guimarães se trouve dans la même région que le rio "da duvida".

Le 23 avril 1910, à Paris, dans le Grand Amphi de la Sorbonne, un homme de 52 ans pose les notes d’un discours qu’il va prononcer dans quelques instants. La salle est comble, car nombreux sont ceux qui sont venus entendre cet Américain, célèbre dans le monde entier et couvert de prestige. Chacun s’installe et le brouhaha se calme. L’homme, aux yeux vifs derrière une paire de lorgnons posés sur son nez, parcourt la foule qui est maintenant totalement silencieuse, si ce n’est quelques toux vite étouffées. Il laisse échapper un petit sourire, ajuste ses lorgnons et entame un discours, en anglais, que le public présent n’oubliera jamais.

Faire un choix

Dans notre vie de tous les jours, nous prenons des décisions. Petites ou grandes, elles forgent non seulement notre présent mais donnent également une direction à notre avenir. Parfois nous hésitons. Surtout lorsque la décision implique de gros changements. Décider d’acheter un Bordeaux ou un Bourgogne ne pose pas de problème. Choisir entre cet élégant sac à main en cuir ou celui-ci en toile, bien pratique et léger, ne va pas (trop) nous empêcher de dormir la nuit.

Souvent lorsque la décision à prendre, implique de grands bouleversements dans notre vie, un déménagement, une démission, lancer son entreprise, décider de vivre à deux, un nouveau travail, nous hésitons beaucoup. C’est normal, car nous allons changer un situation importante de notre vie et nous ne voudrions pas faire une erreur. Alors nous tergiversons. Nous pesons le pour et le contre. Nous attendons.

Et nous perdons.

Ce manque de rapidité dans notre prise de décision est souvent fatal. Soit l’opportunité passe et nous échappe, soit quelqu’un prend la décision à notre place, ce qui n’est pas mieux.

La pression de l’entourage

Essayez de vous souvenir de chaque grande décision que vous avez consciemment prise. Rappelez-vous, non pas des conséquences mais de vos sentiments. Euphorie? Joie? Sentiment d’invincibilité? Confiance en soi? Paix intérieure? Même si plus tard cette décision ne fut pas aussi bonne que vous le pensiez, vous en gardez un bon souvenir.

Comparez maintenant avec celles qui vous ont été plus ou moins imposées. Je parierais que les sentiments que vous avez éprouvé à ce moment là ne sont pas de la même envergure. Même si la décision prise pour vous fut plutôt bonne.

Il y a une grande différence entre les choses que l’on décide de faire parce qu’on en a vraiment envie et celles qu’on accomplit parce que la pression sociale nous encourage dans cette direction. Pour caricaturer, quelqu’un qui échouerait tout le temps mais qui aurait pris ses décisions sur la base de la passion, vivrait une vie bien plus heureuse que quelqu’un qui se contenterait de suivre les normes, de faire comme tout le monde, d’échapper à la critique.

Le qu’en-dira-t-on, est une force importante, à ne pas sous-estimer. Même si vous croyez ne pas y être soumis, à certains moments vous y pensez. Pour d’autres, elle bloque et empêche de poursuivre toute action. Un “Tu plaisantes, j’espère?” ou alors, un “Sois raisonnable enfin!” auquel est ajouté un “tu es une femme/un homme, trop jeune/trop vieux, trop petit/trop grand, trop intelligent/pas assez bon, etc…”. On trouvera toujours quelqu’un avec une bonne excuse pour nous stopper.

Alors, quel rapport y a-t-il avec cet Américain à la Sorbonne? (Vous l’aviez oublié? ;))

Ne pas laisser la place au doute

A 52 ans à peine, ancien président des États-Unis et déjà prix Nobel de la paix, Théodore Roosevelt était une star internationale. Adulé dans son pays (il est l’un des 4 présidents dont le visage est sculpté sur le mont Rushmore) et très respecté dans le monde, pendant une série de conférences en Europe, il prononça ce fameux discours de la Sorbonne, qui sert encore de point de référence à de nombreux Américains aujourd’hui.

C’est surtout l’un des paragraphes de ce discours (en anglais avec le passage en rouge) qui marqua les esprits. Dans celui-ci, Roosevelt fustige les critiques, les donneurs de conseils, ceux qui parlent beaucoup mais ne font rien. Il glorifie ceux qui courageusement se lancent, font du mieux qu’ils peuvent, échouent, recommencent, sachant qu’une vie sans risque est une vie terne.

Un siècle après, les chose n’ont pas changé. N’attendez pas le feu vert de votre entourage pour faire votre révolution personnelle. Quoi que se soit que vous vouliez changer dans votre vie, ne tergiversez pas trop. Prenez votre décision et lancez-vous. Surtout si vous êtes passionné, intéressé, si vous en avez envie. Si vous ne le faites pas, vous allez ensuite le regretter toute votre vie.

La conquête du doute

Personne n’est pas parfait. Nous faisons tous des erreurs. Théodore Roosevelt, surnommé Teddy, prit des décisions pour lesquelles il fut très critiqué, comme lors de son interventionnisme sur la scène internationale ou son soutien de l’eugénisme. Certaines s’avérèrent bonnes pour ses concitoyens, d’autres beaucoup plus mauvaises.

A notre niveau, c’est la même chose. Certaines décisions que nous prendrons ne seront pas si bonnes que ça, alors que d’autres, bien que critiquées par notre entourage, nous ouvriront des horizons insoupçonnés. Le tout c’est de peser le pour et le contre, de noter son envie de faire quelque chose et, si on ne veut pas le regretter plus tard , de l’accomplir sans arrière-pensées, de s’engager a fond.

Quelque soit votre âge, vous pouvez attaquer quelque chose de nouveau. Même si vous hésitez.

Vous pouvez commencer une nouvelle activité qui vous titille. Même si vous avez des doutes.

Vous pouvez vous lancer. Même si vous n’êtes pas certain du résultat final.

Quatre ans après son fameux discours, parti au Brésil, Teddy Roosevelt s’embarqua dans une expédition en Amazonie. Lorsqu’un matin, peu de temps avant le départ, le ministre des affaires étrangères brésilien lui parla d’une rivière dangereuse et inexplorée qui se trouvait sur leur parcours, Roosevelt demanda quel était son nom.

Le ministre répondit, “o rio da duvida“, la rivière du doute.

L’ancien président n’hésita pas, changea ses plans et se lança à sa découverte.

Aujourd’hui, on l’appelle le rio Roosevelt.

(Photo: Jeff Belmonte)

Commentaires

15 commentaires pour “La rivière du doute”
  1. Rémy Bigot says:

    Le doute est un ennemi tapi profondément dans notre cerveau.
    Il est parfois bon d’avoir un peu, mais il faut absolument l’empêcher d’annihiler toutes nos idées de changement.

    PS: Dommage le franglais sur le blog ^^

  2. Jean-Philippe says:

    Merci Rémy pour ton commentaire. 🙂

    Tu parles de franglais? Tu peux être plus précis? J’essaie d’avoir un français le plus juste possible mais n’utilisant que l’anglais dans ma vie courante depuis de nombreuses années, je sais que parfois je crée des anglicismes… Tu pourrais être sympa et m’indiquer les mots ou passages? Cela m’aiderait à m’améliorer.

    Merci d’avance. 😉

  3. Rémy Bigot says:

    Je ne parlais pas de tes super articles, mais de ton blog ^^
    exemple: “2 Comments” ou encore “share your toughts” ^^

  4. Jean-Philippe says:

    Ah oui, maintenant je comprends. 🙂

    Tu as raison, c’est un détail qui a son importance. Si quelqu’un a le temps et connaît bien wordpress, ça m’aiderait bien…

  5. Rémy Bigot says:

    je suis ton homme si besoin ^^

  6. Joachim says:

    Nos décisions impactent notre présent, orientent notre avenir… mais, souvent, il ne faut pas l’oublier, celui d’autres personnes aussi.

    Certaines de ces personnes nous tiennent à cœur, nous les aimons et nos décisions peuvent vouloir prendre en compte cet amour. Ce sont nos enfants, nos parents, nos amis. Dans ce contexte, mes envies sont-elles toujours bonnes conseillères ? Ca se discute..

    Il y a la masse des personnes inconnues, qui passent rapidement, par une fenêtre, ou à la télé. Ces personnes qui ne sont pas nous, qui sont le monde et pour lesquelles nous avons si peu de compassion, pourquoi les prendre en compte dans nos décisions ? Pourtant, la faim dans le monde est une conséquence de mon propre appétit de consommateur occidental. J’ai donc décidé de ne plus manger de viande. L’envie subsiste. Je lui résiste.

    D’autres personnes nous sont encore inconnues, trop bien connues, ou presque oubliées. Ce sont nos propres personnalités, tout au long de notre vie. Ainsi, ce petit garçon de 10 ans que je ne suis plus. Il en a voulu des choses ! Je garde sur lui un œil nostalgique même si nous n’avons plus grand-chose en commun.

    Parce que les envies sont versatiles, qu’elles s’émoussent et qu’elles sont, par essence, irraisonnées, je ne prends pas de décision sous leur emprise. J’en tiens compte pourtant, mais à froid, plus tard, et seulement si elles persistent.

    Je ne saisi une opportunité que si je l’ai déjà réfléchie. Non que j’aie le pouvoir de prévoir l’avenir, mais je tente de reconnaître un motif dans un contexte donné, en adaptant les variables. Je rate des occasions mais je limite le risque de prendre une position déséquilibrée, inconfortable. Et cela, que ce soit dans mon travail, ou dans ma vie personnelle. Sans être un froid calculateur…

    Je ne crois pas qu’un homme vivant sur ses passions, et celles-ci échouant sans cesse, soit heureux. Soit c’est un simple d’esprit, soit, avec un minimum d’introspection, il se suicide…

    Et le doute ? Personne n’est parfait alors soyons solidaires !

  7. Jean-Philippe says:

    @Rémy Merci! Je te contacte 🙂

    @Joachim Merci beaucoup de partager votre opinion. Je comprends très bien les raisons qui vous poussent à prendre des décisions calculées. Votre point de vue vaut autant que le mien. A partir du moment où vous vous sentez bien dans votre façon de vivre, c’est le plus important. 🙂

  8. Marie Ben says:

    On a beau ne pas vouloir lui laisser trop de place, le doute s’invite…par exemple à la quarantaine. Après la trentaine et le temps de l’action, la quarantaine sonne l’age des questions, et des doutes. Et le doute fait le lit de la révolution…personnelle. Inutile de le refouler, prenons le plutot comme une prise d’élan. Une maturation.
    Le choix est peut etre moins important que le doute. Moins riche. On s’accomodera de tous ses choix…pourvu qu’on aie acquis l’élan nécessaire.

  9. Jean-Philippe says:

    Merci Marie! Si le doute permet de faire sa révolution personnelle, alors là, oui, je suis d’accord sur ce cas particulier. 🙂

  10. Stan says:

    Je rejoins le point de vue de Marie : douter c’est aussi accepter de se remettre en question, ce qui est non seulement nécessaire mais permet de progresser 🙂

    Tiens je me suis amusé à faire une petite recherche de citations avec le mot “doute” (http://www.evene.fr/citations/mot.php?mot=doute)

    Quelques perles trouvées :

    “Le doute est l’école de la vérité.” Francis Bacon

    “Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir.” Henri Poincarré

    ” Il convient de préparer d’abord le cerveau de l’homme avant que d’y rien imprimer. Il faut premièrement apprendre à douter avant d’apprendre à croire tout.” Ludvig Holberg

    S’il est vrai que le doute que nous impose les autres peut être négatif, j’en retiens également que le doute est également une forme d’apprentissage…

    Et pour finir Blaise Pascal : ‘Peu de gens parlent du doute en doutant’ ! Je n’en doute pas^^ 😉

  11. Jean-Philippe says:

    Merci Stan pour ce florilège de doutes! 😀

  12. Mestizaje says:

    Bonjour !
    Je découvre votre blog avec cet article, très inspirant !

    Mais que faites-vous des doutes qui ne nous viennent pas à cause d’une pression extérieure mais parce que l’on arrive pas à trancher sur ce que l’on veut vraiment ?
    En ce qui me concerne, c’est plutôt cette méconnaissance de mes souhaits profonds qui me bloque.

    Je vais fouiner dans les archives de votre blog pour voir si vous avez quelque chose sur le sujet…

    A bientot

  13. Jean-Philippe says:

    Merci Mestizaje !

    Nous nous créons des doutes, des petites peurs. La différence entre ceux qui réussissent et ceux qui végètent est que les premiers avancent quand même. Pourquoi ? Non pas parce qu’ils ne connaissent pas ces doutes ou ces peurs (cela s’appellerait de l’inconscience) mais parce qu’ils savent que se tromper, se “planter” fait partie de l’apprentissage.

    Théodore a eu de gros échecs dans sa vie mais il n’aurait pas été capable d’accomplir ce qu’il a réussi, s’il n’avait pas tenté. A notre modeste niveau, c’est la même chose. 🙂

    En ce qui concerne ce que l’on veut vraiment, personnellement, j’ai arrêté. Je suis plutôt ce que j’appelle un “scanneur” et j’ai fini par comprendre que jamais je ne pourrai me consacrer qu’à une seule passion. Quand j’ai réalisé cela, un gros poids a disparu car je ne pouvais plus me tromper. Peut-être êtes-vous une scanneuse qui se met trop de pression sur les épaules ? Choisir une chose pour la vie quand on a tant d’intérêts variés est difficile. 😉

    (Je parle un peu des scanneurs dans cet article. Lisez aussi les commentaires)

  14. claude says:

    “Le sens de la vie, c’est de courir d’échec en échec sans perdre son enthousiasme”. C’est de Winston Churchill.

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