La femme sans peur (24)

Par le 12 November 2012
dans Des histoires

 

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Cet article est la suite de la saga de Trinity Silverman, commencée ici.

Elle se lève brusquement pour aller récupérer la trousse de secours “spécial gastéropodes”. Christina, surprise, la regarde se diriger vers l’entrée, ouvrir le placard, en sortir une valise et farfouiller dedans.

“Qu’est-ce qu’il a Speedy ?”

Toujours la tête dans la valise, Trinity répond tout en continuant à chercher la trousse.

“Il a eu un accident. Je ne sais pas comment il a pu se fêler la coquille, lui qui est un véritable acrobate. D’habitude c’est au contact d’un prédateur ou par accident, quand on lui marche dessus, que cela arrive.”
“Oh le pauvre. Il ne va pas mourir au moins ?”
“Non, il va colmater cette brèche mais c’est mieux de lui donner un coup de main.”

Elle pousse un petit cri de victoire et brandit un tube.

“Voilà !”

Elle se précipite vers la boite de plexiglas, suivie par Chrisitina. Trinity saisit à nouveau son petit compagnon qui n’a pas bougé depuis tout à l’heure. La coupure est nette dans la coquille mais tellement large qu’elle pourrait se casser en deux facilement.

“Regardez !” dit Christina, “je le vois dessous…”

Avec douceur, Trinity s’emploie à mettre un peu d’une colle spéciale, naturelle et biodégradable afin de rattacher la coquille et ainsi, aider Speedy à se retablir plus rapidement. Sa main est sûre et “l’opération” ne prend que quelques secondes, sous les yeux de Christina qui retient son souffle.

“Heureusement,” dit la jeune femme en restant concentrée sur ce qu’elle fait, “la fêlure est bien nette et facile à réparer. Sinon, il aurait fallu procéder autrement.”

Finalement, Trinity repose le tube sur le bureau, garde la minuscule coquille torsadée dans sa main et attend. Au bout d’une bonne minute, on voit apparaitre le bout d’une antenne. Celle-ci est hésitante, semblant – comme avec un périscope – scruter prudemment les alentours.

“Il nous voit là ? Il ne va pas prendre peur ?” demande Christina.
“Pas du tout. Il ne voit pratiquement rien. Par contre, je suis certaine qu’il a déjà capté nos odeurs.”

Une deuxième antenne apparait, scannant elle aussi les environs tout autour de l’ouverture de la coquille.

“Ça va, il reprend confiance. Il faut le laisser maintenant.”

Trinity dépose Speedy en douceur dans son lit de terre et d’humus. Elle regarde Chrisitina.

“Vous avez des champignons à la cuisine ?”
“Oui, vous en voulez ?”
“Ca serait gentil parce que j’ai oublié de le nourrir, alors si on pouvait lui donner quelque chose de frais…”
“Pas de problème ! Je reviens tout de suite.”

Christina fait demi-tour, faisant tournoyer sa queue de cheval derrière elle. Elle attrape le plateau repas et se dirige vers l’entrée, enjambant la valise, toujours au sol. Elle sort et la porte se referme toute seule derrière elle.

Trinity en profite pour arranger un peu la grande chambre qui commence à ressembler à un champ de bataille. Un petit coup discret à l’entrée la tire de ses pensées et Christina, avec un grand sourire, lui donne un gros champignon coupé en lamelles, déposé sur une soucoupe et emballé dans un plastique transparent.

“Vous auriez dû voir la tête d’Oscar lorsque que je lui ai dit qu’un client voulait un seul champignon, cru, coupé le plus finement possible. Il voulait au moins rajouter de la sauce et du persil ! Je ne sais pas si Speedy aurait apprécié.”

Trinity sourit et remercie la jeune salvadorienne. Cette dernière secoue la tête.

“Ce n’est rien du tout, après ce que vous avez fait pour moi. Bon, je me sauve. Je veux voir Célestina avant qu’elle ne parte à l’école. Restez forte aujourd’hui, d’accord ? A bientôt !”
“Merci Christina. Repassez me voir quand vous voulez.”

La jeune employée de l’hôtel s’éloigne dans le couloir pendant que Trinity accroche un signe “Do not Disturb” à la poignée de la porte avant de la refermer.

Après avoir déposé une lamelle dans la boite de Speedy, elle se dirige vers la salle de bains.

Être forte…, pense-t-elle, pendant qu’elle fait tourner la poignée de la douche. L’eau jaillit de la poire et éclabousse le sol de l’imposante baignoire. Elle est gentille Christina, mais c’est elle qui est forte. Moi, je n’ai pas son courage.

Trinity touche l’eau du bout des doigts pour confirmer qu’elle est à la bonne température. Elle ôte alors son peignoir et elle rentre dans la baignoire pour prendre une douche revigorante.

Une fois séchée, les cheveux dissimulés dans une serviette qui lui forme comme une couronne sur la tête, elle prend le temps d’entretenir et de protéger son corps d’une lotion nourrissante, apaisante.

Mais son esprit est ailleurs.

Machinalement, elle cherche parmi ses dessous, ceux qu’elle va porter aujourd’hui. Ann Summers, se dit-elle, a le chic pour créer des soutiens-gorges et des culottes qu’on a envie de porter, juste pour le plaisir.

Elle prend, dans ses mains tendues en avant, un slip brésilien noir à broderies rouges et penche la tête sur le côté pour l’admirer… avant de s’arrêter brusquement.

Mais, je suis stupide ou quoi ! Aujourd’hui je ne sors pas. Elle jette la culotte dans un des tiroirs de la petite commode blanche et la referme d’un coup sec.

Elle opte alors pour un shorty noir uni à dentelles sur les côtés, un pantalon capri noir de chez Puma et un simple t-shirt crème qui arbore un gros point d’interrogation mauve comme motif.

Un peu frustrée, elle allume son ordinateur et se plonge dans le travail. C’est une autre façon pour elle d’effacer temporairement ses soucis et ses peurs. Au moins, dans cette bulle anonyme et luxueuse que constitue cette suite, elle peut oublier pour un temps le monde extérieur… et sa cruauté.

Elle ne déjeune pas et, seulement vers 16h00, elle se dit qu’elle mangerait bien quelque chose. Curieusement, la ligne du “Room service” sonne constamment occupée lorsqu’elle l’appelle et elle note qu’elle a soif. Elle a bu de l’eau toute la journée. Elle a envie d’autre chose. Un thé glacé peut-être ?

Il y a un distributeur automatique au bout du couloir.

Le visage de Trinity se rembrunit et elle a un petit frisson.

Elle se ressaisit et se parle à voix haute comme pour conjurer ses peurs.

“Écoute ma fille, si tu as peur de sortir dans le couloir de ton hôtel, ta vie est définitivement terminée. Allez, on y va !”

Elle a prononcé les derniers mots avec force, comme pour se donner un peu plus de courage.

Elle ouvre doucement la porte, le souffle court.

Elle passe la tête.

Un coup d’œil à gauche et à droite.

Personne.

Pratiquement sur la pointe des pieds, pour faire le moins de bruit possible, elle part, à petites foulées, tout au bout du couloir, juste à côté de l’ascenseur, là où se trouve la pièce avec distributeurs, micro-onde et poubelles diverses.

Elle se jette dedans, introduit rapidement les pièces dans la machine, appuie sur “A12” et attend comme dans un supplice que le moteur électrique se saisisse de sa boisson dans la rangée A et la fasse basculer dans le tiroir du bas.

Il est lent. Presque aussi lent que Speedy.

Trinity a une furieuse envie de lui donner un coup de pied pour le faire accélérer. Finalement, la bouteille en plastique de thé froid tombe dans le tiroir. La jeune femme s’en saisit et, après un rapide coup d’œil, repart tel un ninja dans le couloir.

Elle se jette dans sa chambre, claque la porte derrière elle et souffle un grand coup. Débouchant la bouteille, elle boit avec délice quelques gorgées fraiches.

C’est bon !

Elle traverse la chambre pour aller s’asseoir dans le canapé du salon. Elle se laisse tomber dedans et continue à boire. Elle sent quelque chose de dur sous elle. Elle glisse une main sous sa cuisse et en retire un petit livre à la couverture cartonnée usée.

Les yeux de Trinity s’éclairent.

Ce petit livre est sa bible.

Et quand elle repense à la façon surprenante dont elle l’a acquis, cela la replonge dans son passé d’étudiante.

(A suivre)

(Photo : glamismac)

Commentaires

5 commentaires pour “La femme sans peur (24)”
  1. Amibe_R Nard says:

    Argh !

    Encore l’introduction d’une pièce de suspense.

    Ton livre va être trop court, bien trop court ! :o)
    Un vrai pages turner… ou alors c’est moi qui suis impatient. Hum, non, non.
    Car la cause est bien cette nouvelle énigme mise en suspens.

    Très bonne découpe ! 😉
    l’Amibe_R Nard

    • Merci beaucoup l’Amibe !

      Eh oui, pour avoir une série sur une dizaine de volumes, je dois introduire des éléments apparemment anodins dès maintenant…

      J’apprécie beaucoup ton suivi de près (comme celui d’autres lectrices/lecteurs qui me font leurs remarques en privé). Il me pousse à être plus sérieux, plus précis et à ne pas baisser les bras dans les moments de doute. 😉

      Alors, tu vas avoir droit à une bise de Speedy Trinity !…

  2. Christine says:

    Pas plus de commentaires, ici ?
    Alors ! je reste sur ma faim et attendais un dénouement concernant l’aventure de Speedy avec sa coquille cassée…
    Faut-il encore attendre patiemment ?
    En tout cas, il faut avoir le souffle de notre héroïne joggeuse pour te suivre ! et quelques heures de libres.
    Je ne sais si j’aurais terminé la saga avant l’heure de Morphée

    Bravo, Jean-Philippe. Elle devait paraitre en Kindle, cette saga ? Je ne l’ai pas trouvée.

    • Merci pour ton souffle à toi Christine ! 24 épisodes d’affilée, chapeau. 😉

      Oui la saga de Trinity et Speedy va paraitre en Kindle sous peu, mais maintenant tu es un peu plus au courant. 😀

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