Chacun, une vie particulière

Par le 9 February 2012
dans Solutions simples

Voir les choses différemment
Dans une maison traditionnelle de Kyoto, une dame est assise à même le tatami.

Elle observe un vase posé devant elle. Ce dernier n’est pas très beau, certains amateurs d’art diraient peut-être qu’il est très laid. Rendez-vous compte, il est même ébréché !

Aux côtés de cette dame perdue dans ses pensées, sont posés trois sortes de végétaux. Quelques longues et fines feuilles d’un vert intense. Deux branches à l’aspect décharné d’où émergent quelques bourgeons roses et enfin, trois petites fleurs aux couleurs orangées.

Si vous passiez par là, vous vous diriez que cette dame doit manquer de budget. Que les fins de mois sont difficiles. Que la vie ne l’a pas gâtée.

Rendez-vous compte, elle n’a qu’un vieux vase ébréché, quelques pauvres branches et trois petites fleurs pour décorer sa maison !

Et pourtant…

Simplicité

Des dames comme elle, vous en rencontrerez des centaines au Japon. Elles sont des expertes dans un art traditionnel très respecté, dont vous avez sans doute entendu parler, et qu’on appelle ikebana (ike = vivant, bana = fleur).

Je ne suis pas un spécialiste du tout donc que ceux qui s’y connaissent me pardonnent mais, à mon avis, l’ikebana, c’est l’art de la découverte de la beauté.

Et c’est pour ça qu’avant de commencer quoi que se soit dans sa pratique, il faut observer. Il faut engager un dialogue avec le vase qui est devant vous et les plantes discrètement posées à vos côtés.

Ensuite, on peut commencer à toucher. Avec délicatesse. Le vase d’abord, pour bien sentir ses formes, la vie passagère qu’il représente. Les branches et les fleurs ensuite, afin qu’elles nous parlent, afin que nous nous exprimions en accord avec elle.

Alors, à un moment, l’éclair jaillit au fond de soi-même. On a trouvé. On sait dans les grandes lignes, comment on va disposer ces quelques branches, feuilles et fleurs.

Le résultat peut paraitre un peu triste ou pauvre pour un œil non-averti. Mais au contraire, dans l’ikebana, tout est dans les significations délicates. L’orientation des feuilles, la direction des branches, la hauteur des fleurs. Chaque élément exprime une idée que l’on prend a cœur de découvrir.

Dans l’ancien Japon, le visiteur d’une maison se devait ainsi de s’asseoir respectueusement, pendant quelques minutes, devant un tel tableau vivant. Il recherchait et appréciait ensuite les différents messages très subtils exprimés par le créateur ou la créatrice de la composition.

Chacun savait que la beauté ne se créait pas, elle se découvrait.

Harmonie

Je trouve que l’’ikebana, dans son apparente simplicité – et en fait sa complexité – est une belle métaphore pour nos trajectoires de vie.

Que vous preniez un modeste projet, une envie de changer une habitude, ou carrément, le flot d’une existence, cela ressemble beaucoup à une composition florale nippone.

C’est vrai, on voudrait tous et toutes que nos vies ressemblent à ces beaux bouquets de fleurs chatoyantes dont nous sommes accoutumés en occident. Ils sont magnifiques c’est vrai et ils misent tout sur leur beauté extérieure.

Et nos vies, nous voudrions beaucoup qu’elles soient comme cela, parfaites, riches, attirant le regard des autres, envieux. Nos achats matériels ne sont en fait que des assemblages en bouquet, qu’on veut le plus joli mais aussi le plus clinquant possible.

Pour impressionner.

On le sait, tout ça c’est sympathique mais ce n’est qu’une fine carapace. La réalité elle, se découvre à l’intérieur. A cet instant, on peut penser que son intérieur n’est pas très beau, avec plein de défauts, toutes sortes de complexes

Pourtant comme l’ikebana nous l’apprend, il faut savoir regarder. Il ne faut pas nécessairement rechercher ce qui attire l’œil au premier abord, mais bien prendre le temps de se poser et d’observer.

De s’observer.

Beauté

Et là, qu’est-ce que l’on voit ?

On y distingue quelques branches qui n’ont pas l’air très solides, des fleurs éparpillées et, sans doute, quelques feuilles isolées.

Mais en prenant son temps, on va se rendre compte que ces branches expriment un sens, une direction, un mouvement. Elles nous encouragent vers une destination qui est la nôtre et pas celle d’un autre. En elles, les petits bourgeons symbolisent, la vie à venir, nos futurs accomplissements, les choses que nous apporteront aux autres.

Les fleurs sont peut-être des petits soleils qui montrent toute notre résilience face à l’adversité. Elles nous réchauffent le cœur par leur simplicité et leur harmonie. En fait, elles sont notre cœur. Leur pétales délicats eux, représentent nos qualités intrinsèques, celles que personne ne peut nous prendre.

Et ses feuilles longues, vertes, tendues vers le futur. Est-il besoin d’en parler ? On comprend tout de suite qu’elle vont nous porter vers des jours meilleurs et que, se mêlant avec souplesse aux fines branches bourgeonnantes ainsi qu’aux petites fleurs du cœur, elles composent notre unicité qui est belle et qu’on ne reverra nulle part ailleurs.

Ainsi, nous sommes bien les artistes de notre vie.

Notre matière première peut paraître parfois pauvre ou pleine de défauts mais c’est le contraire qui est vrai. On a ainsi souvent envie d’en changer alors qu’il suffit de composer avec, dans un arrangement unique et personnel, pour atteindre les sommets.

En regardant les choses avec calme, d’un regard différent, on découvre, on se découvre, des richesses insoupçonnées.

Steve Jobs adorait Kyoto et ses temples. On savait qu’il avait le plus grand respect pour les arts traditionnels nippons. On dit même qu’il s’inspira, pour une de ses campagnes publicitaires de la fin des années 90, justement de l’ikebana.

… Le slogan de cette campagne qui marqua les esprits dans le monde entier ?

Penser différemment.”

(Photo : Nam2@7676)

Dans une maison traditionnelle de Kyoto, une dame est assise à même le tatami.

Elle observe un vase posé devant elle. Ce dernier n’est pas très beau, certains amateurs d’art diraient peut-être qu’il est très laid. Rendez-vous compte, il est même ébréché !

Aux côtés de cette dame perdue dans ses pensées, sont posés trois sortes de végétaux. Quelques longues et fines feuilles d’un vert intense. Deux branches à l’aspect décharné d’où émergent quelques bourgeons roses et enfin, trois petites fleurs aux couleurs orangées.

Si vous passiez par là, vous vous diriez que cette dame doit manquer de budget. Que les fins de mois sont difficiles. Que la vie ne l’a pas gâtée.

Rendez-vous compte, elle n’a qu’un vieux vase ébréché, quelques pauvres branches et trois peitites fleurs pour décorer sa maison !

Et pourtant…

Simplicité

Des dames comme elle, vous en rencontrerez des centaines au Japon. Elles sont des expertes dans un art traditonnel très respecté, dont vous avez sans doute entendu parler, et qu’on appelle ikebana (ike = vivant, bana = fleur).

Je ne suis pas un spécialiste du tout donc que ceux qui s’y connaissent me pardonnent mais, à mon avis, l’ikebana, c’est l’art de la découverte de la beauté.

Et c’est pour ça qu’avant de commencer quoi que se soit dans sa pratique, il faut observer. Il faut engager un dialogue avec le vase qui est devant vous et les plantes discrètement posées à vos côtés.

Ensuite, on peut commencer à toucher. Avec délicatesse. Le vase d’abord, pour bien sentir ses formes, la vie passagère qu’il représente. Les branches et les fleurs ensuite, afin qu’elles nous parlent, afin que nous nous exprimions en accord avec elle.

Alors, à un moment, l’éclair jaillit au fond de soi-même. On a trouvé. On sait dans les grandes lignes, comment on va disposer ces quelques branches, feuilles et fleurs.

Le résultat peut paraitre un peu triste ou pauvre pour un œil non-averti. Mais au contraire, dans l’ikebana, tout est dans les significations délicates. L’orientation des feuilles, la direction des branches, la hauteur des fleurs. Chaque élément exprime une idée que l’on prend a cœur de découvrir.

Dans l’ancien Japon, le visiteur d’une maison se devait ainsi de s’asseoir respectueusement, pendant quelques minutes, devant un tel tableau vivant. Il recherchait et appréciait ensuite les différents messages très subtils exprimés par le créateur ou la créatrice de la composition.

Chacun savait que la beauté ne se créait pas, elle se découvrait.

Harmonie

Je trouve que l’’ikebana, dans son apparente simplicité – et en fait sa complexité – est une belle métaphore pour nos trajectoires de vie.

Que vous preniez un modeste projet, une envie de changer une habitude, ou carrément, le flot d’une existence, cela ressemble beaucoup à une composition florale nippone.

C’est vrai, on voudrait tous et toutes que nos vies ressemblent à ces beaux bouquets de fleurs chatoyantes dont nous sommes accoutumés en occident. Ils sont magnifiques c’est vrai et ils misent tout sur leur beauté extérieure.

Et nos vies, nous voudrions beaucoup qu’elles soient comme cela, parfaites, riches, attirant le regard des autres, envieux. Nos achats matériels ne sont en fait que des assemblages en bouquet, qu’on veut le plus joli mais aussi le plus clinquant possible.

Pour impressionner.

On le sait, tout ça c’est sympathique mais ce n’est qu’une fine carapace. La réalité elle, se découvre à l’intérieur. A cet instant, on peut penser que son intérieur n’est pas très beau, avec plein de défauts, toutes sortes de complexes

Pourtant comme l’ikebana nous l’apprend, il faut savoir regarder. Il ne faut pas nécessairement rechercher ce qui attire l’œil au premier abord, mais bien prendre le temps de se poser et d’observer.

De s’observer.

Beauté

Et là, qu’est-ce que l’on voit ?

On y distingue quelques branches qui n’ont pas l’air très solides, des fleurs éparpillées et, sans doute, quelques feuilles isolées.

Mais en prenant son temps, on va se rendre compte que ces branches expriment un sens, une direction, un mouvement. Elles nous encouragent vers une destination qui est la nôtre et pas celle d’un autre. En elles, les petits bourgeons symbolisent, la vie à venir, nos futurs accomplissements, les choses que nous apporteront aux autres.

Les fleurs sont peut-etre des petits soleils qui montrent toute notre résilience face à l’adversité. Elles nous réchauffent le cœur par leur simplicité et leur harmonie. En fait, elles sont notre cœur. Leur pétales délicats eux, représentent nos qualités intrinsèques, celles que personne ne peut nous prendre.

Et ses feuilles longues, vertes, tendues vers le futur. Est-il besoin d’en parler ? On comprend tout de suite qu’elle vont nous porter vers des jours meilleurs et que, se mêlant avec souplesse aux fines branches bourgeonnantes ainsi qu’aux petites fleurs du cœur, elles composent notre unicité qui est belle et qu’on ne reverra nulle part ailleurs.

Ainsi, nous sommes bien les artistes de notre vie.

Notre matière première peut paraître parfois pauvre ou pleine de défauts mais c’est le contraire qui est vrai. On a ainsi souvent envie d’en changer alors qu’il suffit de composer avec, dans un arrangement unique et personnel, pour atteindre les sommets.

En regardant les choses avec calme, d’un regard différent, on découvre, on se découvre, des richesses insoupçonnées.

Steve Jobs adorait Kyoto et ses temples. Il avait le plus grand respect pour les arts traditionnels nippons. On dit même qu’il s’inspira, pour une de ses campagnes publicitaires de la fin des années 90, justement de l’ikebana.

… Le slogan de cette campagne qui marqua les esprits dans le monde entier ?

Penser différemment.”

(Photo : Nam2@7676)

Commentaires

10 commentaires pour “Chacun, une vie particulière”
  1. Orphea says:

    C’est très poétique cette comparaison, j’aime beaucoup…

  2. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup Orphea ! A propos, est-ce que ton pseudo prend un accent ou pas ? j’hésite toujours… mais tu vois, c’est comme l’ikebana, c’est le souci du détail qui fait qu’un simple accent prend une certaine signification. (Bon, je vais peut-être un peu loin là ! 😀 )

  3. Orphéa says:

    Bonne question !
    Normalement il prend un accent, mais je reconnais que lorsque je n’ai pas de vrai clavier sous les doigts j’ai tendance à le zapper. Du coup par extension je ne t’en voudrai pas si tu ne le mets pas non plus 🙂

  4. Jean-Philippe says:

    D’accord ! Et on n’est pas non plus dans l’ikebana ou le bonsaï. Donc la précision peut se relâcher. 😉

  5. amelie-bac says:

    Très belle comparaison nippone, j’aime beaucoup aussi 🙂 On oublie parfois toute la beauté et et la force des petites choses et des petits pas qui nous mènent là où nous sommes.

  6. Jean-Philippe says:

    Merci pour ton commentaire Amélie ! Eh oui, les petits pas et les petites avancées produisent les plus grands résultats… le bac se rapproche, petit à petit ! 😉

    PS : A propos, chaque fois que je vois ton prénom cela me fait penser à l’héroïne d’une de mes histoires, qui elle porte le nom elle d’Amélia ? (NSFW!)

  7. Merci Jean-Philippe pour cette introduction à l’ikebana.
    Les japonais ont depuis longtemps cultivé l’art du geste parfait, comme dans leurs arts martiaux, et plus généralement le fait d’aller à l’essentiel.

    D’ailleurs, quand un auteur occidental en parle, comme Dominique Loreau et son “Art de l’essentiel”, c’est probablement dans son cas les 26 ans passées au Japon qui s’expriment?

  8. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup Philippe pour ton commentaire ! Tu as parfaitement raison, je connais bien les livres de Dominique Loreau et je les aime beaucoup. Je viens de vivre 6 ans au Japon et je vois quelle influence il a eu sur moi, donc j’imagine bien que pour elle ce doit être encore plus important. 🙂

    PS : Je note au passage ma difficulté à me réadapter à la vie en France, comme quoi, les autres cultures (pas nécessairement nippone d’ailleurs) nous brassent et nous modèlent en profondeur… tiens, voilà une bonne idée d’article ! 😀 (Je le note)

  9. ChrisToonet says:

    Aujourd’hui nous avons à réapprendre à nous asseoir pour réfléchir quelques minutes et découvrir le message, et çà me semble toucher beaucoup de domaines, car la vie actuelle nous fait oublier cette sensibilité à l’essence des choses, à l’essentiel tout simplement ! Bravo encore pour cet article et merci !

  10. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup ChrisToonet ! C’est toujours un plaisir de lire tes commentaires et celui-ci en est encore une fois la preuve. Tu vois, je me suis assis, j’ai pris le temps de savourer tes mots et j’ai souri. 🙂

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