Les 9 étoiles du désert (23)

Par le 27 January 2011
dans Des histoires

Lancer son bernouz dans l'immensité...

Épisode précédent | Début de l’histoire

Pendant un très long moment, l’animal les observa.

Puis, lentement, il s’approcha. Pas à pas, dressant la tête assez haut. C’était le signe qu’attendait le dromadaire pour lui aussi s’avancer. Madani comprit qu’ils venaient d’être admis sur le territoire de la fière antilope.

Le garçon ne bougea pas, se contentant d’observer le manège des deux animaux. C’était comme s’ils savaient que Madani pouvait les comprendre et que cela ne les dérangeait pas de se dévoiler un peu plus.

Il n’y avait plus d’animaux, ni d’humain.

Ils n’étaient plus des bêtes face à un homme mais bien, tous les trois, des êtres pensants et communicants.

Arrivés à hauteur l’un de l’autre, le dromadaire, qui était pourtant plus grand que l’autre, s’arrêta en signe de respect tandis que le maitre du territoire passait tout autour de lui, museau levé, interprétant les odeurs, les sons et les vibrations.

L’hôte des lieux accueillait ses invités.

Le bel animal se rapprocha ensuite de Madani et effectua ce même rituel venu de la nuit des temps. Le garçon se relâcha le plus possible et respira le plus calmement du monde.

La longueur des cornes du maitre des lieux était impressionnante. Ses yeux, tout en tournant autour du garçon l’observaient mais Madani savait bien que le vrai jugement venait d’ailleurs.

Il savait son cœur pur après cette longue traversée et ne craignait pas le jugement de leur hôte.

Satisfait, ce dernier, s’élança soudain par où il était venu et avant de disparaitre, poussa une sorte de brame plein d’entrain en les regardant une dernière fois.

A nouveau seuls, le dromadaire reprit son chemin, tranquillement, comme si de rien n’était, comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes. Madani le suivit, calme mais encore impressionné par l’expérience qu’il venait de vivre.

Le soleil allait disparaitre à l’horizon. Sa monture secoua la tête, s’arrêta dans un recoin confortable du cirque, fit jouer ses mâchoires en tordant ses grandes lèvres et, tout simplement s’agenouilla pour s’endormir.

Madani, qui l’avait suivi, déroula son bernouz. Avant de s’installer confortablement contre les flancs de son dromadaire, il alla poser quelques pièges tout autour du cirque rocheux où ils allaient donc passer la nuit. Demain matin, il le savait, le premier et seul repas du jour serait prêt.

Le jeune garçon malgré ce qu’il venait de vivre, n’avait aucun état d’âme à tuer et à manger des petits rongeurs comme les gerboises. Il l’avait bien compris et observé à de nombreuses reprises pendant son périple, ces êtres – qu’il ne pouvait plus appeler “animaux” – ne tuaient pas pour le plaisir. Ils prélevaient juste ce qui leur était nécessaire pour vivre et amener au monde une nouvelle génération, perpétuant ainsi leur race.

Un petit vent s’était levé. La nuit serait plus froide que d’habitude mais cela lui était égal. Il savait maintenant faire comme sa monture, élever et baisser légèrement sa propre température. Tout était une question de respiration et de concentration.

En revenant vers le dromadaire qui paraissait assoupi, Madani sourit. Il savait que son compagnon ne dormait pas vraiment et gardait un œil sur lui. Il s’allongea sur son bernouz, tout contre lui et, avant de s’endormir, caressa la fourrure de son ami. Ce dernier émit un bref soupir de satisfaction.

Madani se retourna sur lui-même pour faire face à l’entrée du cirque.

Et là, encore une fois, il la vit.

Lumineuse, scintillante, rassurante.

Madani avait fini par penser que cette étoile était là pour une raison particulière. Elle restait constamment face à eux. Et pourtant, ils ne la suivaient pas. Ils allaient là où leur sens les guidaient et il se trouvait qu’elle était juste placée dans la même direction.

Il toucha l’amulette qui pendait à son cou, offerte par sa mère. Savait-elle? La croix du sud et le mystérieux pendentif aux 8 alvéoles qui étaient accrochés au même cordon, frôlèrent sa main. Son père l’avait-il délibérément envoyé dans cette direction ?

Il eut envie de marcher.

Ce soir, le sommeil ne venait pas comme à son habitude, rapide, lourd et réparateur. Peut-être parce qu’ils avaient atteint le lieu où se situait la source d’eau qu’ils avaient poursuivie pendant des jours interminables, son attention se relâchait et, maintenant, toutes les pensées qu’il avait mises de coté durant leur pénible voyage, remontaient lentement à la surface de sa conscience.

Il toucha doucement le pelage de sa monture pour la rassurer et, sous l’intense clarté de la lune, il sortit du cirque pour avancer un peu au hasard entre les roches plates. Où étaient-ils ? Quelque part loin de Tidène, en direction du lointain pays des Kanuris.

Pourquoi faire ? Madani n’avait aucune idée de ce qu’il devait accomplir mais il sentait qu’il était sur le bon chemin. Il se doutait bien maintenant que le pendentif aux alvéoles devait avoir son importance. N’aurait-il pas été plus simple pour son père de lui expliquer tout cela ?

Tout en laissant ses pensées suivre leur cours, Madani continuait à marcher entre les roches plus ou moins élancées, assez lisses, blanches et parfois brisées.

Quel énorme risque son père avait pris en l’abandonnant seul, dans le désert. Se séparer ainsi de son fils ainé, celui qui devait perpétuer le savoir ancestral des Sadeck, c’est-à-dire conserver et transmettre leurs secrets de forgerons et ciseleurs, mettait en danger l’avenir même de la famille. Pour agir de cette façon, son père devait avoir une raison impérieuse.

Madani était de plus en plus convaincu que le pendentif, l’étoile qui brillait si fort et la direction de son voyage étaient liés.

Perdu dans ses pensées, il s’en fallu de peu qu’il ne bute sur une grosse roche plate. Il la contourna et faillit manquer un détail qui figurait sur sa face opposée. Un détail vraiment surprenant pour une roche située aussi loin dans le désert, si loin de toute habitation.

Sur la face intérieure, tracé à même la pierre, figurait le dessin très simple d’un animal. Surpris, Madani s’approcha pour mieux en distinguer les traits qui avaient été sommairement gravés et, reconnaissant ces courbes, il ne put s’empêcher de laisser échapper un petit cri de surprise.

Une girafe !

(A suivre)

(Photo : HORIZON)

Commentaires

4 commentaires pour “Les 9 étoiles du désert (23)”
  1. Nathalie says:

    On verra il arrive peut-être chez lui 😉

  2. Jean-Philippe says:

    Ça serait bien pour qu’il puisse se reposer ? Merci Nathalie ! 😉

Commentez ce billet