Le rideau rouge

Qui viendra voir votre pièce d'existence ? ;)

Une vie bien vécue.

Un but ambitieux.

Un parcours étonnant.

Cela pourrait faire de beaux titres de pièces de théâtre, jouées à guichets fermés pendant des mois ou des années. Vous les avez vues ? Non ? Pourtant vous devriez bien les connaitre puisque c’est votre nom qui est en haut de l’affiche. 🙂

Les trois coups

Lorsque le rideau se lève sur le spectacle de notre vie, nous savons que, normalement, nous aurons 3 ou 4 actes pour convaincre le public. Alors nous partons au quart de tour, répétant les lignes que nous avons apprises, essayant de les jouer le mieux possible dans le théâtre de notre existence.

Avez-vous songé à cela ? C’est un peu une grande pièce que nous jouons. Une comédie ? Un drame ? Une tragi-comédie ? Le plus paradoxal c’est qu’en général, au théâtre, le meilleur moment c’est la fin, que l’on ne connait pas. Pour nous, c’est le contraire. La fin est la même pour tous les comédiens et nous la connaissons très bien.

Par contre, nous pouvons nous concentrer sur les différents actes en essayant de jouer le mieux possible, en suivant les conseils des différents metteurs en scène qui nous aident à être le plus convaincant, pour plaire au public.

Justement, ce dernier élément doit être appliqué avec précaution. Doit-on plaire au public ? Doit-on faire le maximum pour que ceux qui viennent nous voir en aient pour leur argent ?

On dit souvent que les meilleurs comédiens sont ceux qui vivent leur rôle à fond, oubliant qu’ils sont en train de jouer et ne faisant qu’un avec leur personnage.

Cours Florent

La clef est peut-être là. Combien de temps passons sur la scène à jouer des rôles ? Le rôle du bon étudiant studieux, le rôle de la bonne copine toujours sympa, le rôle de l’employé modèle face à son patron, le rôle de l’épouse parfaite jonglant entre les enfants et ses propres responsabilités ?

Ce sont peut-être de beaux personnages, mais un rôle, ça se choisit méticuleusement. On ne le prend pas pour faire plaisir à son agent, à ses imprésarios. S’ils nous confient qu’ils nous verraient bien dans le rôle du jeune diplômé, du futur père de famille, de la mariée, cela ne veut pas dire que ce sera automatiquement notre meilleure performance. Cela pourrait s’avérer être un désastre. Un flop. Un bide.

Il nous faut tout d’abord bien sentir ce rôle. Il faut qu’il nous aille comme un gant. Alors avant d’accepter trop vite parce que le producteur nous fait miroiter un cachet conséquent, nous devrions faire des bouts d’essais. Des tas de bouts d’essais ! Jusqu’à trouver l’un des rôles de notre vie. Celui qui nous donnera le respect de nos pairs et du public.

Nomination

L’instinct du comédien est primordial mais il faut aussi savoir écouter les conseils avisés de ceux qui nous entourent. Allez donc faire un bon choix dans ce cas !

C’est difficile, presque impossible.

Le rôle parfait n’arrive presque jamais du premier coup. Il faut endosser le costume de différents personnages, déclamer quelques lignes, savoir refuser, prendre des risques. Tous les grands comédiens ont eu des bides. Parce qu’ils ont sortis des rôles taillés sur mesure dans lesquels on les avait cantonné.

Ils ont tenté des aventures aux budgets incertains, aux scénarios pas toujours clairs et finalement, un jour, toutes les conditions ont été réunies pour un succès foudroyant, qui a surpris tout le monde. Ils ont alors joué à guichets fermés, pendant des mois, des années. La troupe s’est même agrandie. 🙂

Les critiques eux, ont écrit dans leurs chroniques que le succès était évident avec une si bonne histoire ! Sauf que personne ne l’avait prédit avant, à part quelques fidèles de la première heure.

Les flashes crépitent. On est en demande. On éblouit. On est invité partout. Les tapis rouges du bonheur se déroulent. On a que des amis. On finirait par s’y croire. Mais les comédiens expérimentés savent que tout cela peut disparaitre très vite. Ils ignorent ces paillettes de la vie superficielle.

Ils se concentrent sur le plus important. Leur rôle. Toujours bien le vivre. De la manière la plus intègre possible. Ne pas oublier ceux qui les soutiennent réellement et qui n’ont rien à faire des coupes de champagnes servies dans des flûtes en plastique.

Et lorsque vient le moment de tirer sa révérence, ils le font avec élégance, quittant la scène sous les applaudissements d’un public connaisseur qui sait reconnaitre les acteurs plus vrais que nature.

Show time

Une fois les décors démontés, une fois les affiches retirées, le comédien de la vie sait qu’une page vient de se terminer, qu’un nouveau challenge apparaitra bientôt, qu’il faudra recommencer à zéro, avec de nouvelles répliques et un nouveau costume.

Il choisira alors une autre pièce et grâce à son expérience enrichira le nouveau rôle qu’il revêtira. Peut-être que ce sera un nouveau succès. Peut-être pas. Mais il saura, encore une fois, donner le meilleur de lui-même, de façon à ce qu’il n’ait aucun regret, quelques soient les résultats.

Car il le sait, ce comédien hors pair, elle le sait, cette actrice brillante, que le plus important, c’est bien de se donner à fond, de vivre son rôle, comme si c’était vrai.

Parce que c’est vrai. 😉

(Photo : alancleaver)

Commentaires

15 commentaires pour “Le rideau rouge”
  1. Grégory says:

    Un style inimitable, qui n’appartient qu’à toi. Ne change rien, j’adore!

    Un article original qui, malgré tout, distille des conseils justes.

    A la différence du théatre, chaque représentation d’un acte de notre vie est unique et à guichet fermé. Ce qui rend les choses d’autant plus trépidantes!

  2. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup Grégory ! En plus, c’est vrai ce que tu dis là, sur les représentations uniques… à méditer. 🙂

  3. Gautier says:

    Superbe 🙂

  4. Jean-Philippe says:

    Super-merci ! Rideau ! 😉

  5. Comme toujours, tu nous proposes de nouvelles lunettes pour considérer notre existence. Quelle créativité !

    Merci à toi …

  6. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup pour ton commentaire MarieBo ! C’est amusant que tu parles de lunettes, cela me fait tout de suite penser à des lunettes pour voir en 3D… pour avoir une meilleure vision de son existence ? 😉

  7. Nicolas says:

    C’est vrai ! On avance souvent masqué pour affronter la tempête, les courants improbables, les vents parfois contraires ! L’important est de ne pas être dupe de ces costumes de comédie qui nous aident malgré tout à jouer notre rôle, et à cultiver l’amitié…

  8. Jean-Philippe says:

    Nicolas, j’adore ton style ! Déjà je vois un autre article se profiler… utilisant le vocabulaire de la marine. Et point important : l’amitié ! Cultivons, cultivons. 😉

  9. Oui bravo pour joli texte. De belles questions en suspend.
    Par contre @Gregory ce qui différencie le théâtre du cinéma, c’est bien le caractère unique de chaque représentation. Le “Stop, on l’a refait” n’existe pas au Théâtre. En fonction du public le jeu se modifie.

  10. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup Fadhila ! et excellente remarque sur les différences entre théâtre et cinéma… ça me donne des idées. 🙂

  11. Grégory says:

    @Fadhila : Tu as complètement raison 🙂 ! En fait, j’aurais du écrire “à l’instar du théâtre” … Par contre, au théâtre, il y a quand même les répétitions, beaucoup moins fréquente dans la vraie vie.

  12. Sidonie says:

    Pour moi, le meilleur acteur n’est pas celui qui “joue”, que l’on voit jouant, mais c’est celui qui “est”, qui ne force rien. Les acteurs de théâtre “surjouent” souvent, ils doivent séduire leur public, ils parlent trop fort (ils y sont bien obligés pour que tous ceux qui ont payé leur place aient leur part). Je ne fonctionne pas bien avec le théâtre. C’est comme dans la vie. Je n’aime pas les joueurs de rôles. Je ne suis séduite que par ceux dont l’authenticité affleure dans les gestes, le regard et… quelques mots, peut-être…..

  13. Sidonie says:

    J’ajoute, puisque tu es si bien au fait de la culture japonaise, que le plus beau film (évidemment, je ne les ai pas tous vus) qui ait traité du problème de l’acteur est Kagemusha qui m’a émue au-delà des mots que je pourrais écrire…. Ce n’est que mon avis et je me tais.

  14. Jean-Philippe says:

    Merci Sidonie ! Oui tu as raison, Kagemusha est un film que je revois régulièrement et à chaque fois, j’y découvre de nouvelles choses. C’est normal puisque, entre temps, j’ai grandi, mûri et vécu d’autres expériences d’acteur d’homme. 😉

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