Aimer ses succès

La baie du Succès n'est pas si loin...

On a tous et toutes l’impression que l’on aime la victoire, le succès, que c’est quelque chose de naturel chez nous. En fait, ce n’est pas aussi simple et cela pourrait expliquer pourquoi souvent nous échouons et demeurons dans une situation de défaite pendant des années, voire toute une vie.

On dit souvent qu’il faut une prise de conscience. Que soudain, on comprend. Que tout devient lumineux. C’est possible pour certains mais je crois que pour la grande majorité d’entre nous, la carte du succès nous est aussi étrangère que, par exemple, la géographie de la Lune.

Océan des Tempêtes

Je pense que comme tout muscle de notre corps, le succès ça se travaille. Ce que je veux dire, c’est qu’un succès exceptionnel du jour au lendemain est très déstabilisant pour qui n’est pas préparé. Regardez par exemple, les artistes qui obtiennent soudainement un succès incroyable.

Ils se sont battus pour ça. Et puis voilà qu’au moment où ils ont atteint leur but au-delà de toute espérance, ils s’autodétruisent. On dit alors que le succès leur est monté à la tête, ce qui est juste mais, à mon avis, pas dans le sens où on l’entend en général. Les signes extérieurs les montrent peut-être, arrogants et méprisants, mais intérieurement je crois qu’ils sont perdus, je crois même qu’ils ont peur.

Peur de quoi ? Peur de manquer d’inspiration. Peur de ne pas faire aussi bien. Peur que le public les abandonne. Ils sont terrorisés par l’idée de tout perdre et de retomber car ils ne savent pas comment gérer cette nouvelle situation. Ils n’ont pas appris, dans leur tête, à “diriger” leur succès et donc ils sont désespérés. Évidemment, ce ne sont pas les meilleures conditions pour être créatif, la qualité de leurs œuvres s’en ressent et ils retombent dans l’anonymat.

L’autodestruction – déclenchée par notre cerveau reptilien, celui qui ne connait que la lutte ou la fuite – est une sorte de sécurité naturelle qui nous permet de nous sortir de situations difficiles lorsque vraiment, nous ne savons plus comment réagir.

Et dans le domaine du succès, nous n’avons que très peu de connaissances.

Mer des Vapeurs

J’ai pris pour exemple les artistes mais on pourrait faire de même avec tous ceux et toutes celles qui obtiennent un succès rapide dans leur domaine. Étudiez un peu leur parcours et vous verrez le schéma se reproduire. C’est paradoxal, mais nous ne sommes pas très confortables avec le succès.

La seule exception, ce sont ceux qui réussissent plus tard dans la vie. Ils ou elles ont assez roulé leur bosse, ont sans doute fait la part des choses, comprennent que le succès est volatile, que ce n’est pas ce qui les définit et sont donc à même de mieux gérer leur “célébrité”. Ils ou elles gardent une certaine distance avec les flashes et ne changent pas trop leurs habitudes, car  ils savent.

C’est donc de leur exemple que nous devons nous inspirer. A notre niveau, nous pouvons imiter leur façon de faire et pouvoir ainsi accueillir le succès, et surtout lui donner la place qu’il mérite dans notre existence, à savoir pas plus haut et pas plus bas que le reste de ce qui fait notre vie.

Mer des Humeurs

Alors que faire dans notre relation avec le succès – quelque soit la définition que vous lui donniez – ?

L’idéal aurait été d’avoir dès l’école, un prof de succès, comme on a un prof de français ou d’anglais. Non, pas un éducateur aux dents blanches, qui entre dans la salle de classe en costume à paillettes et qui lance des confettis. 🙂

Non, il nous aurait fallu quelqu’un avec assez d’expérience pour pouvoir nous encourager, tout doucement, à apprécier nos petites victoires écolières en les replaçant, là où elles se devaient d’être dans notre vie d’enfant. Pas quelqu’un qui allait nous féliciter seulement lorsque nous avions une bonne note. Pas quelqu’un qui nous gratifierait d’un bon point uniquement lorsque l’on aurait été sage “comme une image”. Pas quelqu’un qui conditionnerait notre jeune cerveau dans un jeu de relations conditionnelles, pour la vie.

“Tu as rangé ta chambre ? Tu es un bon garçon !”
“18/20, c’est la plus haute note, vous êtes mon meilleur élève !”
“Vous avez décroché le contrat ? Incroyable ! Je vais doubler votre prime.”

Et que se passe-t-il si la chambre n’est pas rangée ? Si la note est mauvaise ? Si le contrat est perdu ?

Attention, mon but ici n’est pas de blâmer parents, profs ou patrons qui ont fait ou qui font de leur mieux. Je vous donne simplement mon point de vue sur le fait que ce système nous entraine sur la pente savonneuse de l’amour conditionnel – si tu fais ça, je t’aime -, la garantie, dans notre tête, d’un succès éphémère ou impossible à atteindre.

Mer de la Sérénité

Devenus adultes, nous gardons ces schémas bien ancrés en nous. Par exemple, de temps en temps, je dois me reprendre dans l’écriture que j’effectue sur mon blog. Car le doute s’immisce. “Et si je n’arrive plus à écrire de bons articles ? Et s’ils n’aiment plus ce que je fais ?”

Il y a une vingtaine d’années j’aurais été terrorisé par ces pensées, et soit j’aurais fini par publier des articles vraiment mauvais, soit, complètement paralysé, je n’aurais plus rien sorti du tout. Maintenant, je continue à écrire en sachant que je donne le meilleur de moi-même et que si ça ne plait pas, ce n’est pas grave, j’aurai, de toute façon, d’autre opportunités. 😉

Alors, parfois j’écris des choses moins bonnes et à d’autres moments je suis surpris du succès rencontré par certains articles, succès auquel je ne m’attendais souvent pas. Mais pour avoir ces succès, il a bien fallu que j’ose les publier sans garantie de réussite, il a bien fallu que je prenne des risques.

Baie du Succès

La conclusion ? C’est que bien sûr, le succès, le vrai, ne peut pas se prédire. Ce n’est pas parce que l’on s’est préparé le mieux du monde que l’on va réussir. Non, plutôt que de stresser sur les manœuvres, sur les calculs, il vaut mieux se lancer, donner le meilleur de soi-même et n’avoir aucun regret, quelque soit le résultat. Cela nous permet d’apprécier la délicatesse sucrée de la victoire lorsqu’elle surgit, sans craindre l’acidité de la défaite passagère.

Et des succès, nous en avons quotidiennement, ils sont petits, nous ne les voyons pas ou plus mais, ils sont là et ils sont importants. Le regard d’un enfant qui s’illumine après que vous lui ayez parlé. Le rire d’un ou d’une amie que vous avez détendu. Un petit “bonjour” partagé dans un escalier avec une personne inconnue. Un rapport que vous venez de terminer en y mettant le meilleur de vous-même. Un nouvelle journée qui s’achève et où vous avez dû jongler avec de multiples tâches. Un article de blog qui se termine… 😉

Aimons nos petits succès, sachons les apprécier, les déguster. Ils sont la première marche qui nous permet de nous entrainer, de nous préparer à ce qui pourrait arriver après et que nous saurons alors, sans peur, pleinement savourer. 🙂

(Pour ceux et celles que cela intéresse, sur la Lune, la baie du Succès est . On a rendez-vous ?)

(Photo : Johnny Jupiter)

Commentaires

14 commentaires pour “Aimer ses succès”
  1. Rémy Bigot says:

    Le succès, vaste sujet ! Nous le fantasmons, nous l’idéalisons et parfois, passons à côté !
    Merci Jean Philippe pour cet énième succès !

  2. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup Rémy ! Mais je lis dans ma boule de cristal que toi aussi, en ce moment, tu es en train de collectionner des succès. 😉

  3. Rémy Bigot says:

    Ce n’est pas encore fait, mais j’ai pris beaucoup de plaisir à tenter de partager mon expérience de la voyance ^^
    Si ça marche bien, c’est tant mieux, sinon, pas grave, j’ai appris pas mal de nouvelles choses grâce à cette expérience!

  4. T’en fais pas va, Jean-Philippe, on va toujours les aimer, tes articles ! 😀

    Merci pour celui-ci. 🙂 C’est vrai que le succès c’est une question d’habitude. Quand tout marche vraiment bien pour moi, surtout professionnellement, je me surprends parfois à me dire “ouhlààà… pas si vite, pas autant !” et à bloquer un peu. 😀

    Tu as raison, il faut simplement être soi-même, donner le meilleur de soi-même, et ne pas être trop fixé(e) ou essayer de contrôler le reste. 🙂

  5. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup Rosine ! et bravo pour ton nouveau site, les scanneurs que nous sommes en ont besoin. 😉

  6. Merci ! Oui, j’ai bien l’intention de parler beaucoup des scanneurs sur mon blog en français.

  7. Meriem says:

    Au succès, je préfère la réussite.

    La réussite est entière, pleine, fidèle à l’esprit qui en est à l’origine, elle est personnelle
    C’est la satisfaction d’avoir atteint son but, une satisfaction profonde et le plus souvent discrète.
    J’ai réussi mes cannelés, j’ai réussi à créer le balcon fleuri dont je rêvais, j’ai réussi à dire ce que j’avais à dire dans mon article …
    Je suis contente de moi, je suis fidèle à l’esprit et le résultat correspond à ce que je voulais obtenir.

    La réussite est motivante : maintenant que je sais faire les cannelés, je vais essayer les financiers; l’année prochaine, au lieu de géraniums rouges, je vais semer des pétunias mauves; j’ai plein d’autres idées d’articles qui me passionnent.

    Le succès par contre passe par le regard des autres, c’est la réussite vue par les autres, et elle est très souvent le fruit d’une incompréhension, d’un malentendu.
    Et oui, les raisons du succès sont souvent innatendues : ce n’est pas le coeur de mon entreprise, ce n’est pas ce qui correspond pas à ma vision des choses qui va remporter le succès.
    C’est le chanteur qui sort un disque, et la chanson qui passe sans arrêt sur les radios n’est pas celle dont il est le plus fier, qui le touche le plus.
    Ce sont mes cannelés que tout le monde va trouver super moelleux, alors que moi je sais que je n’ai pas réussi à obtenir le craquant que j’aime tant trouver autour.
    C’est le petit article léger de mon blog qui provoque plein de réactions, alors que le précédent qui me tenait à coeur est resté lettre morte.

    Mais comme le succès est plus valorisant socialement que la réussite, on peut facilement se désavouer, se renier pour garder ce précieux succès.
    Je le trouve aliénant : puisque c’est ça qui plait aux autres, puisque c’est pour ça que je suis appréciée …. alors je vais continuer mes cannelés mous, et je ne vais plus essayer d’obtenir ma couche croquante, je vais écrire les articles qui plaisent aux autres, et non plus ceux qui me tiennent à coeur.
    Et sur mon balcon, je vais mettre des géraniums rouges de plus en plus gros, de peur de décevoir avec mes pétunias bleus.

    Et oui, la peur de décevoir, de ne plus être à la hauteur aux yeux des autres, c’est terrible en plus, comment s’étonner que certains craquent face au succès, se sabordent eux-mêmes.
    Oui, je crois au propre sens du terme qu’on est « VICTIME » du succès

    mazette ! que je suis bavarde ce matin !

  8. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup Meriem… c’est pratiquement un article sur “Le succès ou la réussite ?” que tu as écrit et j’ai presque envie de le mettre en vrai article invité. 😉

    Nous avons effectivement une définition différente du succès mais je comprends très bien ton point de vue. Peut-être que j’aurai dû être plus précis sur mes définitions de “succès” et “réussite”… mais pour moi, ils signifient la même chose, quelque chose qui vient de l’intérieur, de nous et que nous offrons au monde.

    Par exemple, l’article qui n’a pas rencontré le succès que je cite en exemple, moi je l’aime bien sûr, sinon je ne l’aurais pas publié. Comme tu le dis, la pire chose que l’on puisse faire c’est de créer par rapport à ce que l’on pense que les autres aiment…

    Reste le dilemme de la sagesse populaire. Si tout le monde aime les cannelés mous et que je suis boulanger, est-ce que je les fais quand même craquants ? Est-ce que je perds mon âme lorsque je vois les sourires gourmands de ceux et celles qui me les achètent mous ? En sachant que je m’en réserve quelques uns bien craquants sur le côté ?

    Je pense que chacun doit trouver son juste milieu, ce avec quoi il est confortable, en gardant son intégrité.

    …et puis moi, craquants ou pas, je vais venir frapper à ta porte pour les goûter, ces cannelés et ces financiers ! 😉

  9. mona lisa says:

    Si tu peux rencontrer triomphe après défaite
    Et recevoir ces 2 menteurs d’un seul front,
    Si tu peux conserver ton courage et ta tête quand tous les autres la perdront,
    Alors les rois, les dieux, la chance et la victoire seront à tous jamais tes esclaves soumis

    Et ce qui est mieux que les rois et la gloire,
    TU SERAS UN HOMME MON FILS !

    J’aurais aimé avoir écrit ce bout de poème. C’est mon poëme préféré et il est de R. KIPLING.

  10. Jean-Philippe says:

    Merci Mona lisa pour ce grand classique de la littérature ! Voilà qui complète bien et même enrichit l’article. 🙂

  11. Valentin says:

    “Les signes extérieurs les montrent peut-être, arrogants et méprisants, mais intérieurement je crois qu’ils sont perdus, je crois même qu’ils ont peur.

    Peur de quoi ? Peur de manquer d’inspiration. Peur de ne pas faire aussi bien. Peur que le public les abandonne. Ils sont terrorisés par l’idée de tout perdre et de retomber car ils ne savent pas comment gérer cette nouvelle situation.”

    Magnifique !!!
    J’avais déja pensé à cette peur mais jamais sous cette angle et jamais de manière aussi bien formulée. Cet article m’as bien éclairé merci . Pour moi je pourrais même aller jusqu’à une peur du succès . C’est vrai je pense qu’on doit tous vivre ce phénomène de l’artiste à différentes échelles

  12. julie says:

    On ne peut pas planifier son succés mais on peut faire les fondations pour si succés il y a, il soit le plus dirable possible. Travailler dur ( et du talent) est la seule manière de réussir dans la vie que ce soit professionnellement, affectivement et socialement.

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