La Baiseuse
Par Jean-Philippe le 13 July 2011
dans Des histoires
Cette histoire est l’ultime que je vous propose avant mon blog-sabbatique annuel. Comme l’année dernière, je vais me ressourcer pendant un mois et je vous retrouverai à la mi-aout pour de nouvelles aventures ! Le récit ci-dessous est mon petit cadeau de départ. Éloigné du développement personnel ? Alors lisez bien entre les lignes ou, attendez la suite. 😉
Amalia Van Witteveen est une jeune femme comme les autres.
Enfin presque.
Elle n’est pas très grande, plutôt fine. Ce qui frappe chez elle la première fois que vous la rencontrez, ce sont ses lèvres.
Amples. Accueillantes. Généreuses.
On a tout de suite envie de les toucher du bout des doigts comme un bois précieux. On en oublierait aussi le reste de son visage qui pourtant possède également son charme. Un petit nez en pointe très fin qui remonte vers un front plat sous lequel des yeux clairs, noisettes, vous observent sans détour. Des cheveux longs, noirs, encadrent son visage rond à la peau mat.
Pourtant, on oublie tout cela car Amalia ne porte aucune trace de maquillage excepté sur ses lèvres. Aujourd’hui elle a opté pour Dior, Ara Red numéro 999. Son rouge cramoisi est élégant, fort, sans être vulgaire. Comme ça, elle se sentira plus forte face à son client.
Elle porte une robe sombre qui parait avoir été juste coupée pour elle. Elle est assise à la terrasse d’un café et elle attend.
Son client.
Depuis une autre table, un jeune homme, le regard caché par des lunettes de soleil, la regarde avec l’insistance de la jeunesse. Mais Amalia n’a que faire de ses tentatives. Elle travaille. Elle n’est pas là pour s’amuser. Son patron attend un résultat avec son client.
Amalia n’est pas triste. Elle aime ce qu’elle fait. C’est sa façon à elle de participer à la paix entre les hommes. De rendre le monde meilleur. Certains utilisent leurs mots, leur dextérité, leur pouvoir de persuasion.
Amalia utilise sa bouche.
Cela va faire maintenant une dizaine d’années qu’elle œuvre ainsi. Elle se souvient qu’elle a commencé lorsqu’elle avait 16 ans. Cela peut paraitre jeune – elle était mineure – mais elle ne s’est jamais sentie forcée. Elle fait ce qu’elle fait parce qu’elle le veut bien. Elle se considère comme une femme libre.
Même si elle a un patron.
Mais il est plutôt gentil. Il ne la force jamais à accepter un client. Il lui soumet un dossier et cherche à la convaincre. Généralement elle est d’accord. Pourtant, souvent, ils sont plutôt agés et peu attirants. Là oui, elle doit se forcer un peu. Mais quand elle pense à la paix dans le monde, les choses deviennent tout de suite plus faciles. Les gestes viennent spontanément.
Amalia n’a pas de plan de carrière. Elle sait qu’elle a encore de nombreuses années devant elle. Elle est jeune. Elle est jolie. Elle est très bien payée. La seule chose qui l’attriste c’est qu’elle ne pourra jamais être aimée pour elle-même. A partir du moment où ses lèvres douces et caressantes se poseront sur une bouche consentante, elle sait qu’elle ne devra plus se bercer d’illusions.
Son client arrive enfin.
Elle se redresse. Entrouvre un peu ses lèvres pour laisser apparaitre ses dents blanches. Penche un peu la tête sur le côté pour faire glisser ses cheveux soyeux et bouclés sur son épaule. L’effet est garanti. Elle le voit dans ses yeux. Il n’a qu’une envie. L’affaire est déjà réglée. Avant même que d’avoir commencé. Parfois, ça devient un peu trop facile.
Tellement facile que sa photo est diffusée en très haut lieu. En Corée du nord, ils ont pour ordre de l’abattre à vue. En Chine, elle est persona non grata. A Cuba, on ne veut même pas en entendre parler. En Russie, elle ne passerait pas la frontière. En Iran, elle serait immédiatement arrêtée et exécutée.
Pourquoi cette haine ? Pourquoi cette peur ?
Justement, parce qu’Amalia, est la Baiseuse.
Et ça dérange les hommes de pouvoir.
Son client s’est assis face à elle, le sourire quelque peu méprisant. Le sourire de celui qui possède l’autorité et l’argent. Le sourire de celui qui aime dominer et pour qui puissance rime avec domination, voire humiliation. Il a un visage dur. Une barbe naissante essaie de cacher un double-menton. Il est un peu chauve.
Amalia continue à le détailler des yeux. Elle aime examiner ses victimes. Ces hommes qui se pensent plus forts que des dieux. Ces êtres qui se croient, l’espace d’une vie, surhumain. Ces individus que l’ambition aveugle. Ces cannibales assoiffés du sang des autres.
Son client hoche légèrement la tête.
“Merci d’avoir accepté mon invitation.”
Il n’est même pas poli. Il dit ça juste pour parler parce qu’il faut bien dire des mots en public. Il aurait tout aussi bien pu dire, “On monte ?” ou même “Monte !”, pour un résultat identique. Là, en public, il lui reste encore un peu de vernis mais sous peu, la-haut dans la chambre, tout cela s’effritera.
Amalia joue aussi.
“J’ai vraiment été surprise par votre message. Hans Rübesch, le grand patron de l’acier allemand. Jamais je n’aurais pu imaginer…”
Il rit. Fort. Peut-être qu’il n’est pas si dupe que ça après tout.
“Fraülein Amalia, les miracles se produisent parfois.”
Elle rit à son tour. Juste assez pour lui montrer que c’est lui qui commande et surtout pas trop fort pour le conforter dans son rôle de mâle dominateur.
Il fronce un peu les sourcils. Il veut sentir son pouvoir.
“Notre table est prête.”
Amalia approuve lentement de la tête. Sans dire un mot. Elle sait que c’est la meilleure façon de répondre. Des années d’expérience lui ont permis d’affiner cette réponse sans mots.
Le moment où tout bascule.
Il se lève brusquement. Elle le suit. A son passage, le jeune homme qui a relevé ses lunettes de soleil pour bien lui assener un regard méprisant, secoue la tête, dégoûté.
Ou jaloux.
Dans l’ascenseur, Le PDG du conglomérat international Rübesch Gmbh, s’approche d’Amalia. Son grand ventre tente de la coincer contre la paroi. Les portes s’ouvrent. Un couple âgé entre. Le milliardaire allemand recule. Amalia souffle un peu. Le travail ne fait que commencer. Mais elle le sait, cela va aller très vite.
Plus vite que tout ce que l’on peut s’imaginer.
(A suivre)
(Photo : notsogoodphotography)
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Curieux de lire la suite….Bonne vacances:-)
Tout comme Fabrice, je suis pressé de lire la suite !
A dans un mois 😉
@fabrice @Jérôme Merci et bonnes vacances à vous aussi ! 😀
Incroyable !
Tu écris “à suivre” et tu nous souhaites quand même de bonnes vacances ? 😉
Bonnes vacances à toi aussi ! 😉
Jean-Philippe,
J’adore ton blog, ta philosophie et ton style d’écriture!
Je vais profiter de ton absence pour surfer et me mettre à jour sur ton blog!
Bonnes vacances!
j’espère que la source t’apportera le repos…
en lisant ces mots j’ai l’impression de voir un extrait du film Mr et Mme Smith où Angélina Jolie est une tueuse qui sait user de ses charmes pour accéder à ses clients-dossiers.
vivement la rentrée (en plus je serai en vacances quand tu reviendras vers nous j’aurais tout le loisir de lire) Patience est maîtresse de sagesse… et bien tu la mets à rude épreuve avec toutes ces histoires à suite.
a bientôt
à chaque fois que je te poste un commentaire au travail il n’est pas enregistré, du coup de te re-souhaite bonnes vacances, j’espère que tu nous réserves une rentrée pleine de suite… j’ai hâte.
L’histoire d’Amalia me fait penser au film “Mr et Mme Smith” où Angélina Jolie est une tueuse qui use aussi de ses charmes pour s’occuper de ses clients-dossiers
Le pouvoir des histoires, c’est surprenant l’effet que ça a sur nous. J’étais parti pour ne lire que le résumé de ton article, et finalement je me retrouve à attendre comme tout le monde la suite avec impatience
Merci pour ce début d’histoire qui me rappelle la plume de Christian Jacq. Je vais aussi profiter des vacances pour me remettre à jour 🙂 À quand un ebook avec toutes tes histoires réunies ?
@AMie Oui car mes vacances, c’est beaucoup d’écriture… pour moi c’est relaxant, mieux que la plage !
@Mimi Merci beaucoup pour tes compliments ! Bonne lecture et tous mes vœux de succès pour tes lanternes. 😉
@nana fafo Désolé pour le double commentaire. Oui, tu as raison, il y a du Angelina Jolie dans Amalia mais avec une surprise, bien entendu. 😉
@Thomas C’est toujours un plaisir de recevoir un commentaire de ta part ! Je songe à ce best-off de toutes mes histoires… pour l’instant, il n’y a que Como el viento. 😀
@Gérald Merci beaucoup pour ton commentaire qui est, sans doute, le plus beau compliment qu’on puisse faire sur une histoire ! et bonne chance pour ton nouveau blog. 😉
Très belle photo dis-donc ! Très beau texte, et le thème étant peu commun, j’ai hâte de voir la suite que tu vas lui donner !
Bon et puis du coup je me suis inscrit à la newsletter aussi 🙂
Ah Raphaël, c’est toujours un plaisir de te retrouver ici ! Merci pour ton inscription à la newsletter où il y aura des avant-premières sur mes histoires. 😉
Merci aussi de mentionner la photo. Je l’avais déjà utilisée pour un autre article, Le jour où vous êtes mort, et puis, en la regardant de plus près, en parlant d’elle dans les commentaires de cet article-là , l’histoire d’Amalia m’est venue. 😉
Bravo, très belle écriture !!!! Vivement la suite ! Bonnes vacances !
Génial!! je vais rattraper mon retard! je rentres à peine de vacances et tout pleins d’histoires à lire :)) Bonnes vacances à toi et Takako et reviens avec les suites 😉
Baci a presto 🙂
Nous laisser comme ça sur notre faim !! très cruel cela est !!! Comme tous tes admirateurs, hâte j’ai de découvrir la suite 🙂
L’histoire est passionnante et bien écrite..
La suite arrive quand ?
🙂
je m’abonne au fil de commentaire pour être informé de la suite !
la suite !! je suis curieuse
Bonjour Jean-Philippe,
Super je découvre cette histoire, alors que tu reviens de vacances, donc
je n’aurai pas trop à attendre pour la suite. Chouette !!!
Je m’abonne de suite pour ne pas manquer la suite, j’adore ton écriture.
Mais je vais mettre un code parental, au cas ou les ados tomberaient
sur cet article :)(je rigole car je suis sûre qu’il trouverait ça à l’eau
de rose)
Amicalement
Merci beaucoup Marie-Do ! Toi, tu es venue de chez Yvon, je me trompe ? 😀
La suite est prête mais j’essaie de la peaufiner un peu plus et je la savoure comme un gros égoïste avant de la publier. Mais je crois que tes ados seront un peu déçus par la chute. 😉