Les 9 étoiles du désert (28)
Par Jean-Philippe le 5 March 2011
dans Des histoires
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Les deux femmes s’arrêtèrent.
Tin et Takamat, les lèvres sèches, regardèrent pendant un moment le paysage qui s’étalait à leurs pieds. Une sorte de longue vallée de pierres, très large, s’offrait à elles. En contrebas, il y avait ce qui ressemblait à de petites habitations surplombant un groupe de palmiers.
Cette grande vallée était donc habitée. Cela leur redonna un espoir prudent.
Depuis leur départ de Tafilalet, les deux jeunes femmes s’étaient endurcies. Les longues journées à marcher ou à somnoler sur leurs montures avaient fait d’elles des femmes d’une résistance remarquable, mangeant et buvant peu, dormant juste ce qu’il fallait.
Il était loin maintenant le temps où elles avaient failli mourir de soif dans les dunes de Tamezguidat. L’expérience, accumulée jour après jour et au fil des rencontres avec d’autres voyageurs, avait transformé la princesse et sa servante en aventurières aguerries, ne craignant plus de s’enfoncer dans le désert, qui, ces derniers jours, était surtout constitué de rocaille.
Presque chaque soir, Ahaggas, l’étoile de leur but, leur donnait la direction qu’elles suivaient en toute confiance.
Par contre, elles avaient de plus en plus souvent rencontré de villages hostiles, peu enclin à les héberger. Il leur était même arrivé d’être chassées à coup de pierres !
C’est pour cette raison qu’elles faisaient preuve d’un optimisme prudent. Le premier contact avec une nouvelle population était toujours difficile car, la langue parlée avait beau être à peu près la même, plus elles s’éloignaient de Tafilalet, plus il leur était difficile de se faire comprendre.
Elles se regardèrent un instant. Elles n’avaient pas le choix. Leurs réserves d’eaux étaient basses et il leur fallait se réapprovisionner. Dans cette vallée, il n’y avait pas de grand lac. Pourtant, la présence de ce simple village et de ses palmiers signifiait qu’il y avait de l’eau, celle d’un puits sans doute. Son unique richesse.
Tin aurait bien aimé patienter encore un peu, pour confirmer la présence de leur étoile fétiche dans le ciel, qui était en train de virer au rouge profond mais, entrer en contact avec des inconnus pendant la nuit était trop risqué. Mettant pied à terre, elle commencèrent à descendre le chemin qui menait au village d’où on pouvait apercevoir des volutes de fumées dans le couchant. Elles avancèrent lentement, montrant leur intentions pacifiques.
De toute façon, ces hameaux étaient habitués aux passages de voyageurs et si, en général, leurs habitants se montraient hospitaliers, particulièrement avec les caravanes où ils pouvaient acheter ce dont ils avaient besoin, on ne pouvait être certain qu’après le contact initial.
Elles débouchèrent lentement dans ce qui paraissait être une minuscule place. Les deux jeunes femmes savaient qu’elles étaient observées, jugées, évaluées dans l’ombre.
Finalement, un vieil homme apparut de derrière l’une des bâtisses et vint à leur rencontre. Sa courte barbe blanche bien taillée et son aspect frêle étaient plutôt rassurants. Il marchait doucement en s’appuyant sur une sorte de canne en bois qui paraissait aussi vieille que lui.
Tin leva la main en signe de paix.
Le vieil homme fit de même.
Elle le salua et elle vit dans ses yeux qu’il la comprenait bien. Il lui répondit en des termes polis de bienvenue, les invitant à faire halte dans son modeste village. Il se présenta. Aberwas était son nom, chef du village d’Ougarta.
Il se lança dans la présentation dudit village et les les deux jeunes femmes, bien que fatiguées, durent attendre qu’il en ait terminé.
Elles apprirent ainsi que le lieu était habité depuis les temps les plus reculés, lorsque l’or était vert. Elles apprirent que le village était un lieu de passage fréquenté par les caravanes qui descendaient vers le zénith du soleil et remontait là où l’astre de lumière n’apparaissait jamais. Elles apprirent qu’Aberwas lui-même était le descendant d’une longue lignée de chefs d’Ougarta mais qu’il était sans famille et sans fils.
Ses épaules s’affaissèrent quelque peu. Le vieil homme était visiblement peiné que le destin de son village soit en danger, car sans successeur désigné.
Il les invita alors à le suivre pour partager le thé de bienvenue.
Tin et Takamat se regardèrent alors qu’elles suivaient le vieux chef. Quelque chose dans son regard les avait dérangé. Elles ne savaient pas quoi mais elles sentaient qu’Aberwas cachait quelque chose.
De plus, personne ne venait à leur rencontre. Les enfants, toujours curieux, auraient déjà dû sortir de leurs cachettes pour venir les toucher, leur sourire.
Avec un brin de nostalgie, Tin repensa à Hatita et à son visage en larmes, le matin où Takamat et elle-même étaient reparties. La petite s’était habituée à la princesse comme à une mère ou à une grande sœur et son départ avait été dévastateur pour elle.
Hatita, qui conserverait à jamais un trésor précieux et émouvant pour la princesse.
Aberwas les fit rentrer dans sa modeste maison de pierres. A l’intérieur, dans l’ombre, une femme était en train de préparer le thé. Partout, les traditions restaient les mêmes. On boirait les trois thés rituels, comme il se doit.
Tout cela se fit dans un silence assez pesant.
Les deux jeunes femmes étaient fatiguées, avaient faim, mais par respect pour leur hôte, s’efforcèrent de ne pas le montrer.
Alors qu’ils buvaient le premier thé, Aberwas leur demanda d’où elles venaient et quelle était leur destination.
Les réponses à ces questions étaient toujours difficiles. Tin et Takamat avaient fui la grande oasis de Tafilalet après la mort du père de la princesse, le maitre de ce petit royaume, sous les coups de l’envahisseur. Elles étaient donc en fuite, ayant trompé la vigilance de leurs geôliers.
Elles pouvaient encore moins parler de leur but : suivre la direction d’une étoile vers un objectif inconnu à la recherche de la reine, la mère de Tin, sans savoir si cette dernière était encore vivante.
Alors, en général, la princesse restait le plus vague possible. Fille d’un émissaire, elle se rendait en mission vers le levant.
C’était ce qu’elle avait trouvé de mieux à dire même si elle savait que ce n’était pas parfait. Nombreux étaient ses interlocuteurs dans le regard desquels le doute était visible mais, la politesse de l’hôte voulait que l’on ne questionne pas son invité au-delà de la décence.
Le deuxième thé fut partagé encore plus lentement, dans le silence le plus complet. Les deux jeunes femmes étaient de plus en plus mal à l’aise. La femme derrière Aberwas, restait contre le mur, tête baissée, comme si elle voulait y disparaitre.
Alors qu’il prenait son troisième thé, Tin et Takamat virent que la main d’Aberwas tremblait de plus en plus. Manquant de renverser le liquide, le vieux chef les salua doucement et commença à boire le liquide chaud, les yeux fermés.
Tin et Takamat, sentant maintenant que quelque chose n’allait vraiment pas vidèrent rapidement leur petite tasse brulante, bien décidées à sortir le plus vite possible.
Étrangement, Aberwas buvait le plus lentement possible, par toutes petites goulées sonores. Les deux jeunes femmes ne pouvaient décemment se lever tant qu’il n’aurait pas fini et pourtant maintenant inquiètes, attendirent.
La femme derrière Aberwas commença à émettre un gémissement sourd, comme si elle pleurait. Ce bruit, presque sinistre, fit pâlir Tin et Takamat.
Et puis, tout alla très vite.
Au moment où Aberwas reposa, presque à regrets, sa tasse sur la table de bois, avec un bruit sourd, la porte s’ouvrit et un homme fit irruption dans la pièce.
Plutôt grand, le visage caché dans un taguelmoust sombre, il sortit immédiatement un très long poignard et s’avança d’un pas décidé vers les jeunes femmes qui s’étaient levées, affolées.
Derrière eux, la femme, contre le mur, geignait de plus en plus fort , comme si elle savait déjà ce qui allait suivre.
(A suivre)
(Photo : Sylvain_Latouche)
Oula!!! elles vont se faire découpées ou quoi ?? ou il va lui arracher le pendentif ??
terrible suspense … 🙂 vivement samedi 😉
Ah, Nathalie, tu imagines le pire là ! Ça va peut-être se terminer en film d’horreur cette histoire. 😉
🙂 je suis sûre que non ! mais là je suis impatiente de savoir qu’est-ce qu’il va faire avec son poignard …
Oui, et puis le sang partout ce n’est pas mon truc. Pourtant c’est la mode en ce moment les histoires de vampires…. mais pas dans le désert, quand même ! 😀
Je confirme 🙂 ça colle pas trop les vampires dans le désert 🙂 il y a peut-être un serpent derrière elles 😉 ?
Bravo Nathalie ! Tu as de l’imagination. 😉
(Mais non, ce n’est pas ce que j’ai prévu. 😀 )
Bon je vais sagement attendre la suite 😉 demain? :))
Ah non, la suite c’est tous les samedi maintenant. 😉
Plus de suite ?? :(((
Si, si Nathalie, c’est prêt mais là, avec tous les évènements récents, il faut que je me réorganise au niveau de la sortie des articles… J’ai aussi la suite d’Une étrange école à poster, donc ça se bouscule un peu.
Mais merci à toi, fan #1 des 9 étoiles ! 😉
J’imagine que ça doit être difficile ! en attendant je relis des autres articles 🙂 et j’en découvre aussi…
grazie Jeff 🙂