Tango de la vida

Par le 2 February 2012
dans Ma vie en sashimi

Des deux, c'est lequel "la vie" ?

Cet article constitue ma participation à cette rencontre amicale, “À la croisée des blogs” qui est un évènement inter-blog dédié au développement personnel. Il est publié mensuellement et chaque nouvelle édition traite d’un thème original. Ce mois-ci, c’est Jean-Yves, du blog Potion de vie, qui en est l’organisateur et qui nous a proposé de plancher sur “Les trois tournants de notre vie”.

La vie est tellement bien faite (si, si !) que très souvent, nous passons au travers d’évènements importants pour la poursuite de nos rêves, sans nous en rendre compte. Sur le moment, on ne se doute pas du tout qu’ils vont nous façonner pour le reste de notre existence.

Et généralement, à l’instant où ils se produisent, ils sont mêmes plutôt négatifs. Ils nous secouent, ils nous stoppent, ils nous dépriment. Ils nous font dire que notre vie est nulle.

Qu’on arrivera à rien.

Pourtant, sur le long terme, ils nous sculptent de belle façon et deviennent des atouts exceptionnels.

Regardez bien votre passé et vous les découvrirez. Pour vous aider, voici trois exemples, tirés de ma modeste expérience.

Première secousse

Je ne sais pas pour vous mais lorsque l’on réussit son bac sans vraiment étudier tout en remportant les compétitions sportives qui étaient très importantes pour l’ado que j’étais, on se sent le “roi du monde”.

Et puis, lorsque l’on apprend que l’on peut intégrer une prépa littéraire, juste parce que son dossier était bien ficelé. On ne touche plus le sol. On décolle. On regarde les autres de haut.

On pense déjà, qu’après cette prépa, on intégrera facilement l’une des plus prestigieuses grandes écoles et que la voie vers la gloire sera toute tracée.

Ainsi, on en est certain, on sent bien que la vie va être formidable.

Que rien ne pourra nous arrêter.

Jamais.

Alors, lorsque après deux années difficiles de khâgne, on se fait sèchement éliminer, après concours, de la liste des admissibles de la grande école qu’on visait, c’est tout son monde qui s’écroule.

Tous les rêves de grandeur qui disparaissent.

Comme un château de cartes.

Vos parents qui aussi vous voyaient déjà sur le même voie, sont hébétés.

Vous déprimez.

Vous ne vous intéressez plus à rien.

La vie est nulle.

Deuxième secousse

Au fil des ans, vous avez petit à petit remonté la pente.

Vous avez même eu quelques succès.

Alors vous commencez à vous dire que la vie a une drôle de façon de se dérouler. Mais c’est le mot “dérouler” qui ne vous plaît pas. Vous avez l’image d’un grand rouleau qu’on lance du haut d’une pente et qui se déroule de lui même.

Cela voudrait dire que vous n’avez aucun impact sur les évènements.

Mais pour l’instant, vous avez d’autres problèmes. Vous vivez à Los Angeles. Vous n’avez plus d’argent. Et là-bas il n’y a pas de RSA et autres aides publiques à la française.

Chacun se débrouille.

Marche ou crève.

Votre formation est dans les média. Vous cherchez un boulot dans les télés, votre spécialité à ce moment-là. Mais le problème c’est que vous êtes français et, malgré les dizaines et les dizaines de chaines existantes sur Los Angeles et les centaines de candidats américains, pourquoi ils vous choisiraient, vous ?

C’est perdu d’avance.

Et puis, c’est dur d’appeler comme ça. A froid, sans introduction.

Mais voilà, c’est marche ou…

Alors vous prenez votre téléphone et vous appelez les ressources humaines de NBC. On vous raccroche presque au nez. Vous continuez avec CBS. On est encore moins poli.

Et ainsi de suite.

Ce goût amer du concours manqué quelques années auparavant vous revient à la bouche. Mais vous continuez à téléphoner. Il le faut bien.

Jour après jour, vous n’essuyez que des refus. Mais, paradoxalement, vous rodez votre “speech”. Vous savez mieux comment franchir les différents obstacles pour parler à la personne clef.

Pour finalement toujours s’entendre dire, non.

Au 63 ème coup de fil, la secrétaire “filtreuse d’appels” vous demande de patienter et ensuite vous propose de rappeler une personne particulière, au cas où, mais “ne vous faites pas d’illusions non plus.”

Je sais.

Je rappelle Fox Sports comme prévu et là, miracle ! On veut bien me faire passer un entretien. Puis, on me fait même signer un contrat de 4 mois (le Pérou pour moi !) parce qu’il se trouve que cette année là, il y a une coupe du monde foot en France et qu’on va avoir besoin d’un traducteur et d’un coordinateur pour l’antenne.

Bingo !

Troisième secousse

Encore quelques années.

La vie est plutôt calme maintenant. On apprend beaucoup. On pense qu’elle ne fait pas que se “dérouler”. On se dit que finalement on a son mot à dire, qu’on peut réellement influencer le cours de son existence. En s’accrochant et en ne renonçant pas.

On est optimiste.

L’éducation littéraire acquise à la dure en prépa se retrouve maintenant dans la façon d’écrire un blog et des histoires qui s’avèrent populaires avec certains lecteurs. Et puis on a pas peur d’aller frapper à toutes les portes pour obtenir ce que l’on veut.

63 fois s’il le faut.

Oui, finalement, on a son mot à dire ! La vie ne déroule rien du tout, elle lance les choses et nous sommes le guide.

Et puis en cet après-midi de mars à Tokyo où l’on vit depuis quelques années, la terre se met à trembler. Au début, on ne réagit pas, parce que c’est normal que la terre bouge là-bas. On est habitué et dans le café où l’on travaille ce jour-là, on continue à taper son prochain article pour son blog.

Ça c’est important !

Mais, le tremblement continuant, on commence à lever la tête et à interroger les autres du regard.

Quand l’amplitude des secousses augmentent et que l’on voit les premiers Japonais se jeter sous des tables, là, on prend peur. Pour de vrai.

Comme les autres, sous une table, on se recroqueville entre deux chaises et on attend.

Ça dure.

C’est presque comme si la vie lançait son grand rouleau et qu’on attend qu’il retombe.

Du bon coté.

Je ne pense à rien. J’ai juste peur.

Ça dure 3 minutes. Le plus gros tremblement de terre, de mémoire nippone.

Quand je me relève, forcément, je ne vois pas les choses exactement de la même façon. Je pense à sa compagne. Je suis content d’être encore là. Je suis juste heureux. Je me dis qu’il y a des choses importantes que je ne vais plus repousser. Je comprends – enfin – qu’il vaut mieux être modeste avec la vie.

C’est elle qui commande. On croit la diriger mais finalement, qui commande qui ?

Qui déroule quoi ?

Qui fait tourner qui ?

Je peux me bercer d’illusions, en me disant que je maitrise ma vie mais cette dernière me rappellera, à plus ou moins long terme, qui commande vraiment.

On ne commande pas la vie.

On roule avec. On l’enlace avec ferveur et on saisit ce qu’elle nous offre, dans un tango intimiste et haletant, qui s’accélère et se ralentit au rythme de nos aventures ici-bas.

C’est bien elle qui guide les pas.

Mais nous pouvons être d’excellents cavaliers. 🙂

(Photo : formfaktor)

Commentaires

30 commentaires pour “Tango de la vida”
  1. Grégory says:

    Superbe texte Jean-Philippe, j’aime beaucoup !
    Un beau “déroulé” pour ces 3 moments importants de ta vie.
    Je commence à m’apercevoir que tu aimes bien élucider les titres de tes articles (ou de tes nouvelles) dans leurs dernières lignes 😉
    Quel sera le 4ème pas de danse avec la Vie ?!!!

  2. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup pour tes compliments Grégory ! Oui, tu as bien analysé ma façon de travailler et tu poses une excellente question à laquelle je n’avais pas du tout pensé… Bon, il n’y a plus qu’à attendre poursuivre ce que j’aime faire. 😉

  3. Bonsoir jean-Philippe,
    Finalement ça sert les grandes études car c’est très agréable de lire tes lignes sur trois étapes marquantes de ta vie. je suppose que la terre a tremblé à l’intérieur de toi depuis. Je participe aussi à cette croisée des blogs car je trouve que c’est un moyen intimiste de rentrer en contact avec les blogueurs qui change des articles techniques.

  4. Jean-Philippe says:

    Merci Hannah pour ton commentaire ! Oui, ça sert les études, mais franchement j’ai mis très très très longtemps à mon rendre compte (et aussi à avaler ma fierté mal placée). Ceci dit, ce n’est pas une obligation pour avancer dans la vie. 🙂

    Cela faisait longtemps que je n’avais pas participé à la Croisée des blogs mais c’est toujours rafraîchissant de revenir. D’ailleurs, c’est amusant mais il y a deux ans nous avions eu un sujet assez proche : 3 livres qui ont changé votre vie. 😉

  5. Amibe_R Nard says:

    Oui, les études, ça sert.

    Ça sert au moins à se rendre compte combien on connaît peu, combien il y a à étudier pour tout le reste de sa vie. Et que les études ne se résument pas aux quelques années avant le travail rémunéré.

    Intéressant de voir, aussi, que ce ne sont pas les études, ou les réussites qui mènent la vie, ou la barque sur le fleuve.

    Combien de fois tu aurais pu te coucher, Jean-Philippe, ou jouer l’autruche qui ne veut plus rien voir, au point de tout laisser couler.

    Le danseur peut se tordre la cheville et refuser de danser à nouveau.
    C’est son droit. Quand on a mal, pourquoi continuer ?

    Et pourtant, dans ton parcours, on voit le danseur se relever, repartir, recommencer… combien ? Ah oui, 63 fois. 😉 C’est presque 77 fois. 77 fois 7 fois, un nombre quasi infini de tentatives.

    63 fois ou 77 fois 7 fois…
    C’est la capacité à rebondir qui compte.
    La capacité à guider sa barque, autant qu’à guider sa danse… malgré les difficultés, malgré son envie d’abandonner.

    Même si les études sont l’équivalent des chaussures, il ne faut pas oublier le danseur.
    C’est lui qui insiste, ou change de technique suivant les chaussures qu’il porte aux pieds. Mais qui jamais n’abandonne.

    Bien Amicalement
    L’Amibe_R Nard

  6. Jean-Philippe says:

    L’Amibe, comme d’habitude tu enrichis le thème de mon article avec des idées auxquelles je n’avais même pas pensé. “Se tordre la cheville” ou “les études sont l’équivalent des chaussures” sont des éclairs de génie !

    Alors dis-moi, quel est ton secret ? 🙂

  7. Jean-Yves says:

    WOW !

    Superbe texte ! Que de pays visités et que d’aventures ! Tu as raison, ce sont les obstacles qui déterminent comment on va s’en sortir avec notre vie. Soit on s’égare et on perd de vue nos rêves,

    soit on abandonne et on se relance ailleurs, ou soit encore on s’adapte et on contourne l’obstacle.

    Un grand merci à toi pour ta contribution que j’ai pris énormément de plaisir à lire 🙂

  8. Jean-Philippe says:

    C’est moi qui te remercie Jean-Yves de m’avoir rappelé qu’il y avait La croisée des blogs. Je l’avais presque oubliée et pourtant c’est toujours un exercice intéressant que de pratiquer ce challenge créé par notre ami Argancel. 😉

  9. Corinne says:

    Merci Jean-Philippe de nous livrer un petit bout de toi.
    Comme toujours lorsque je te lis, cela me donne de la force pour avancer.
    Nous rencontrons tous des moments de doutes.
    Et ça nous fait continuer, mais qu’est-ce-que c’est dur !…

    • Jean-Philippe says:

      Merci Corinne pour ton commentaire ! Oui je comprends très bien ce que tu veux dire… parfois il faut laisser passer l’orage. Est-ce que tu as lu (par exemple) le livre de Viktor Frankl ? C’est assez ancien mais cela peut bien aider. 🙂

  10. Vraiment très beau !
    Et tellement vrai …

  11. Il suffit juste de faire confiance à la vie, et cette danseuse formidable nous mène alors de main de mettre au plus juste de ce que nous sommes vraiment. Pas toujours évident de ne pas opposer de résistance ! Pourtant, je remercie cette artiste incomparable qu’est la vie pour tout ce qu’elle m’a déjà amené à découvrir.
    C’est drôle de voir comment chacun traite ce sujet de la croisée des blogs, j’adore !

  12. Jean-Philippe says:

    @Anne-Françoise Merci beaucoup !… et à bientôt ? 🙂

    @Patricia Ah, tu laisses ton inspiration parler et c’est très beau ! C’est vrai qu’une petite Croisée des blogs de temps en temps, cela ne fait pas de mal. On s’enrichit mutuellement. 😉

  13. Corinne says:

    Merci pour la référence, Jean-Philippe, je vais regarder de ce pas !

  14. Jean-Philippe says:

    De rien Corinne ! C’est juste une suggestion et cela peut ouvrir vers d’autres livres qui te parleront plus. 😉

  15. Amibe_R Nard says:

    Alors dis-moi, quel est ton secret ?

    Mon secret, c’est toi ! 🙂
    Et tes superbes idées qui entraînent les miennes dans une valse à trois temps. 😉
    l’Amibe_R Nard

  16. Jean-Philippe says:

    Excellent l’Amibe ! Merci. 😉

  17. Très beau texte Jean-Philippe!

    Tu as d’excellentes qualités rédactionnelles et j’apprécie beaucoup la façon dont tu as traité ce sujet qui n’était vraiment pas évident.

    Chevaucher la vie est sans doute un art qui s’apprend au fil des chutes et des rechutes. Victor Frankl que tu cites en commentaire (malheureusement trop peu traduit en français) nous a aussi montré que les pires chutes ne proviennent pas de la vie elle-même mais de la façon dont nous interprétons les évènements qui surviennent. Avec une vision claire de l’avenir, les cavaliers que nous sommes peuvent réellement changer le cours des évènements pour le meilleur.

    Tu en es la preuve et c’est une bonne nouvelle.

    Merci pour ta contribution,
    Jean-Marc

  18. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup Jean-Marc pour tes compliments ! (et désolé d’avoir manqué ton commentaire.)

    Tu as raison, on devrait plus lire Viktor Frankl car, après ce qu’il a vécu, on ne peut que s’incliner et respecter les enseignements qu’il a découverts et transmis. 🙂

  19. Jean-Yves says:

    Merci encore de ta contribution Jean-Philippe 🙂

    Bon… tu as déjà découvert l’article de clôture ce matin, tu as été plus rapide que moi lol

  20. Jean-Philippe says:

    C’était avec plaisir ! Cette Croisée était vraiment très riche et comme je te l’ai dit, je pense que l’idée de ton thème y a été pour beaucoup. D’ailleurs chacun pourra en juger de part lui-même ici. 🙂

  21. zenie says:

    Bonjour Jean Philippe, merci pour cet article.”on ne commande pas la vie” et je suis d’accord avec ça.

    zenie

  22. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup zenie ! Oui on ne commande pas à la vie, on danse, on valse, on tangue(o) avec… un peu comme pour les maths, non ? 😉

  23. samuel says:

    salut jean phillipe,

    je suis flatté par ton parcours.

    Bien qu’il contienne des hauts et des bas, tu as su forger ton talent et te dire que tu finira bien par réussir et c’est ce que tu as finir par faire.

    la vie ne se passe pas toujours comme on le souhaites, mais il ne faut jamais baisser les bras pour autant.

    Bonne journée,

    samuel

    PS: pourrais tu installer le plugin Commentluv? Il sera d’une grande utilité sur le blog.

  24. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup pour ton commentaire Samuel ! Oui tu as raison, le tout c’est de bien comprendre que, même si on ne parait pas avancer, tant qu’on se bouge, cela nous sert à long terme. 🙂

    PS : Tu as raison, cela fait des mois que je veux l’installer mais, il y a tellement de choses plus agréables à accomplir avant. 😉

  25. “…C’est bien elle qui guide les pas.
    Mais nous pouvons être d’excellents cavaliers.”

    Superbe citation qui illustre parfaitement le thème de ce très bel article…
    tango! tango!
    Merci jean-Philippe

  26. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup Philippe ! Trop souvent, je trouve, on parle de “conduire” sa vie ou de la “trouver”. En fait, avec tous les aléas que l’on rencontre, cela me parait bien difficile. Je préfère dire qu’on danse avec elle, parfois c’est dur mais, lorsque l’on est un excellent cavalier, on “crée” ensemble les plus belles pages de notre courte existence ici-bas. 🙂

  27. Patrick says:

    Bonjour Jean-Philippe,
    Je t’ai connu grâce à ton blog et au moment
    de l’appel que tu faisais “Aidons le Japon” 🙂

    Je suis de ceux qui aiment la musique,
    la danse et la vie est ma cavalière.
    Forcé de la quitter, pour un temps, depuis 5 ans,
    je retrouve, aujourd’hui, la lumière de celle qui attise
    ma curiosité.

    En effet, libéré depuis deux semaines, je la retrouve
    tout aussi émouvante et pleine de surprises.
    Pour moi, le goût des études m’est venu hors de l’école, à 24 ans.
    Je dirais plutôt une prise de conscience du besoin de savoirs
    pour répondre à mes besoins du quotidien… et ceux de mon entourage.

    La frustration est à la fois un frein mais peut devenir
    un excellent catalyseur pour la motivation et l’action.

    Pour conclure ces retrouvailles tant attendues,
    avec ma cavalière et mes deux jambes “rénovées”…
    Que danse la vie 🙂

    Merci Jean-Philippe pour cette verve faite d’étreintes
    “Ses bras savent trouver des étreintes caressantes”.
    [Rousseau, Émile, ou De l’éducation],
    Patrick

  28. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup Patrick ! Quel beau commentaire plein de poésie et tellement juste. Très heureux de te voir plein d’entrain après cette période de “frustration”. Ceux qui te suivent sur ton blog n’en seront que plus contents. 😉

    La citation de Rousseau, que j’aime pour d’autres raisons est belle aussi. Mais je préfère mettre en avant ta phrase : “La frustration est à la fois un frein mais peut devenir un excellent catalyseur pour la motivation et l’action.”

    Dans ce siècle, nous refusons la frustration mais nous ne savons pas très bien comment la transformer en action/motivation. Un domaine à creuser ? 😉

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